• Analyse : vers une nouvelle phase de la crise ?

    La conjonction d’une baisse de la croissance mondiale et d’une exacerbation de l’endettement explique l’instabilité actuelle des marchés financiers et accroît les risques d’un krach sur les titres de dettes publiques en Europe et aux États-Unis.

    Les inquiétudes à l’égard de la croissance mondiale ont été sérieusement ravivées cette semaine à la suite de la publication de plusieurs indicateurs révélant un ralentissement économique mondial. La France n’est pas épargnée.

    Vendredi 12 août, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a annoncé une stagnation du produit intérieur brut (PIB) français au deuxième trimestre 2011. Ce zéro pointé de la croissance est dû principalement à un recul de la demande intérieure, c’est-à-dire de la consommation des ménages et de celle des administrations publiques. Cela confirme que les politiques de pression sur les salaires et l’emploi et de baisse de la dépense publique, loin de permettre un retour à l’équilibre de l’économie nationale, au contraire, étouffent l’activité en même temps qu’elles plongent les populations dans les difficultés.

    Plusieurs autres pays européens sont également sur la pente descendante. La croissance en Espagne reste proche de zéro (+0,2 % au 2e trimestre) de même qu’en Italie (+ 0,3 %). La production industrielle est en baisse un peu partout au sein de l’Union européenne, même en Allemagne. On mesure les dangers dont est porteur le pacte Euro plus d’Angela Merckel et Nicolas Sarkozy qui prône une réduction drastique des dépenses publiques ainsi qu’une mise en cause des droits sociaux.

    Lundi 8 août, déjà, une étude de l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), l’organisme qui regroupe les principaux pays capitalistes développés, montrait que le climat de dégradation est général. Elle indiquait notamment que les indicateurs « pour le Canada, la France, l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni, le Brésil, la Chine et l’Inde continuent à pointer vers des ralentissements de l’activité économique » tandis que « des signaux plus forts d’inversion des cycles de croissance ont fait leur apparition aux Etats-Unis, au Japon et en Russie ». 

    Comment expliquer ce début de retournement moins de deux ans après la récession de 2009-2010 ? C’est là le résultat des mesures prises par les gouvernements des grands pays capitalistes pour faire face à la crise. La nécessité une intervention publique inédite n’est pas en cause. Ce qui pose problème, c’est sa nature. Elle a visé essentiellement à voler au secours du système financier et des grands groupes sans que des conditions soient posées permettant de réformer leur gestion et leurs finalités. Des milliers de milliards de dollars, d’euros, de yens ont été injectés sans garde-fous. Le redressement de la rentabilité qu’ils ont favorisé a été obtenu contre l’emploi, les salaires, l’investissement, les services publics, ce qui explique les difficultés actuelles de la croissance. Cela a également conduit à un gonflement sans précédent des dettes publiques et sociales.

    C’est ce triptyque : croissance faible, endettement public fort et groupes privés disposant d’énormes liquidités, qui explique à la fois le krach boursier de ces derniers jours et la spéculation qui sévit particulièrement sur les dettes publiques de la zone euro. Ainsi, les groupes regroupés au sein du CAC 40 parisien disposent-ils de 170 milliards de trésorerie. A quoi les utilisent-ils sinon à spéculer ? En même temps, les fonds américains, qui bénéficient de la part de la banque centrale des Etats-Unis de conditions de financement idéales, jouent leur propre partition et sont au cœur des mouvements spéculatifs. Ils ne seraient guère désespérés si cela aboutissait à un éclatement de la zone euro.

    Pourtant, les États-Unis ne sont pas eux-mêmes à l’abri même s’ils disposent de l’arme suprême : un dollar, clé de voute du système monétaire international, qu’ils peuvent émettre à volonté afin de payer leurs dettes, qu’ils peuvent faire baisser pour « voler » de la croissance aux autres pays. En même temps, ce jeu est très dangereux, y compris pour les États-Unis. L’envolée des dettes dans un contexte économique quasi déclinant attise les risques d’un krach sans précédent sur les titres de dettes publiques.

    Nulle, stagnante, inerte, elle est belle, la croissance française

     

    Pierre Ivorra, l'Humanité du 16 08 2011


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