• Demi-tour sur les retraites

    S’il est en revanche un projet qui continue à souder le Medef et la droite, c’est celui qui vise à repousser l’âge de la retraite, et donc le montant des pensions versées.
    Les généraux défaits voient les troupes regimber, les colonels comploter et les officiers se laisser aller à la démoralisation. Nicolas Sarkozy, en convoquant les députés UMP hier à l’Élysée puis en régalant les vingt-deux têtes de file de son parti aux régionales, tente d’éteindre dans l’œuf les mutineries. Le système des carottes peut être utile : ne voit-on pas François Baroin, fraîchement rallié, qualifier le bouclier fiscal de « bon principe d’équité ». On se pince ! Remaniement peut quelquefois s’entendre comme reniement. S’il est en revanche un projet qui continue à souder le Medef et la droite, c’est celui qui vise à repousser l’âge de la retraite, et donc le montant des pensions versées.

    Même Jean-François Copé oublie un instant qu’il voudrait être calife à la place du calife pour installer une commission grosse d’une centaine de députés UMP pour « travailler main dans la main » avec le gouvernement et « faire de cette réforme un rendez-vous de courage politique ». L’héroïsme en l’occurrence consistant à dégrader la situation des salariés qui ne roulent pas sur l’or pour garantir le confort des plus riches à qui toutes « les exonérations de prélèvements sociaux » restent promises. « Il n’est pas question que le PS joue à cache-cache sur le sujet », a-t-il prévenu, comptant bien que parlent haut et fort les dirigeants socialistes partisans de la rigueur. Cependant, dans les rangs du PS, on compte sans doute une majorité de militants qui se retrouvent plutôt dans les revendications syndicales que dans les appels du FMI, dirigé par Dominique Strauss-Kahn, à repousser l’âge de la retraite en Europe. Ce ne sont pas seulement des déclarations, mais des conditions impératives dictées par le FMI, par exemple à la Roumanie en échange d’un prêt de 20 milliards d’euros.

    Au Sénat, hier, Laurent Wauquiez s’est fait à nouveau le chantre de l’allégement des cotisations patronales (23 milliards d’euros par an) dont il fait « l’outil le plus efficace » de la politique d’emploi de la droite. Aveugles aux signaux de l’opinion — 70 % des Français sont opposés à leur politique économique —, les ministres se veulent intransigeants. Jusqu’à quand ? L’intersyndicale a fixé de nouveaux rendez-vous de mobilisation. Si celle-ci grossit à chaque étape, les digues érigées par la droite réactionnaire seront débordées. D’autant que tout confirme les dégâts provoqués par ces politiques qui frappent le pouvoir d’achat, l’emploi et la protection sociale, étouffent la croissance et tuent toute relance. Les chiffres du chômage atteignent désormais 10 % de la population de la zone euro et un peu plus encore en France. La structure même de l’emploi se détériore, comme le confirment les chiffres publiés hier par le ministère. L’intérim, en pleine progression en 2009, n’est plus seulement une affaire de jeunes. Près de quatre intérimaires sur dix ont plus de trente-cinq ans. Il s’agit en majorité d’ouvriers, qualifiés et non qualifiés, qui deviennent les variables d’ajustement des grands groupes, qui les convoquent et puis les jettent, semant à tout-va le tandem désindustrialisation-appauvrissement. Ce n’est plus seulement une inflexion de la politique qui s’impose mais un demi-tour.

     Patrick Apel-Muller

    l'Humanité 31 03  2010


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