• En plein pendant l’irruption du volcan

    La dernière fois que je me suis assis devant ce clavier pour rédiger une note destinée à ce blog, la soirée était déjà bien avancée et deux ministres venaient de démissionner. C’était il y a un siècle ou deux. Depuis, le volcan médiatico-politique est entré en éruption. Et tous les transports d’idées ont été annulés au profit d’un rocambolesque feuilleton où les laquais et les chenapans dansent la sarabande autour d’une veille dame aux pâquerettes et de politiciens qui viennent chercher leur courrier chez elle. Je galèje. Une crise pareille laisse sans voix. Chacun d’entre nous a tourné sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler. C’est tellement énorme ! 

    Le président de la République lui-même allant chercher son enveloppe ! Le ministre du budget truquant les comptes de campagne du président… Je pense et j’espère  que ceux qui l’ont affirmé ont bien garanti leur source car ce n’est pas n’importe quelle accusation que celle-là. Car la détestation que nous avons pour monsieur Nicolas Sarkozy et monsieur Woerth du fait de leur épouvantable politique de guerre de classe ne suffit pas à nous faire espérer le pire à leur sujet. Nous qui aimons ce pays nous aurions tellement honte pour nous tous si c’était vrai, quand bien même nous n’y sommes pour rien ! Je suppose que l’énormité de l’accusation, la faiblesse d’une équipe minée par les mauvaises conduites individuelles qui ont déjà occasionné le départ de deux ministres avant d’autres déjà annoncés, provoqueraient dans n’importe quel pays démocratique un retour aux urnes. Cela n’aura pas lieu en France. La Vème république monarchique autorise tous les abus. On se souvient d’un Chirac battu au référendum européen ainsi que tout le système des élites du pays. Non seulement il ne se passa strictement rien ensuite qui respecte la volonté du peuple mais  monsieur Sarkozy  prit même la liberté de passer outre et, aussitôt élu, de faire adopter, avec l’active participation de son compère socialiste en euroservilité,  le texte qui avait été rejeté. La bonne presse de l’époque avait applaudi, hélas ! Dans ces conditions, maintenant, il est vain de se draper dans les postures  de l’indignation. Il y a mieux à faire.

    Notre responsabilité c’est plutôt d’être lucides sur le moment qui vient. Il faut se savoir en phase finale d’un système. La question  n’est pas de savoir « si » il tombera mais « quand », sur quel terrain et au profit de qui. Nous jouons notre propre partition. Notre intérêt est d’avoir un adversaire aussi affaibli que possible à la rentrée pour que nous nous puissions mettre en déroute sur le terrain politique central où tout se joue. Je parle du partage des richesses dans le pays. Et donc des retraites. Notre rendez-vous c’est le 7 septembre avec le front uni de nos syndicats. Puis pour nous, le front de gauche a la fête de l’huma le plus grand rassemblement politique populaire de gauche  de ce pays. Tout l’été des rassemblements sont appelés par la CGT pour élargir la mobilisation. Dans l’intervalle le grand nombre a déjà reçu la douche froide du plan d’austérité de monsieur Fillon. Tout le monde sait dorénavant que, pour le gouvernement de droite,  ce sont les handicapés, les parents d’étudiants, les employeurs à domicile, les instituteurs, les parents isolés qui élevent des enfants, les infirmiers et d’autres de ce style qui ont vidé la caisse du pays. Et cela la même semaine où les gens ont appris que les riches recevaient des chèques de plusieurs millions et ignoraient parfois où est caché leur argent.  La nouvelle est terrible. La gifle que reçoivent en pleine face ceux qui ont découvert cela en regardant la télé crée des traces profondes. Nous menons un assaut où chaque jour arrivent des renforts. Cette bataille était d’abord donnée perdue d’avance. On se souvient de la campagne d’affolement orchestrée par le Monde qui annonçait 2600 milliards de trou dans les régimes de retraites pour 2050.  À présent un très grand nombre de gens ont compris que pour rétablir les comptes on pouvait aussi remplir la caisse en mettant à contribution ceux qui ont vraiment beaucoup trop dans leurs poches. La période du Fouquet’s triomphant est finie. Bien finie. Le sarkozysme est terminé  comme projet pour le pays et comme nouvelle culture politique, j’en suis certain.  Je crois que nous pouvons gagner la bataille des retraites. De ça ils ne se relèveront pas, c’est sûr.  

    Parmi tous les dégâts moraux qu’a occasionnés cette incroyable affaire, il ne faut pas manquer de compter les injures adressées au site Médiapart par plusieurs éminentes personnalités de l’UMP. Xavier Bertrand et Nadine Morano ont parlé au sujet de ses publications de «  méthodes fascistes ». Christian Estrosi et Eric Raoult ont dressé un parallèle avec l’hystérie des journaux de l’extrême droite des années trente et même de la collaboration. Qu’on me comprenne bien. À mes yeux la polémique avec un organe de presse est tout à fait normale et même souhaitable autant que de besoin. Je n’ai jamais été d’accord avec le régime des vaches sacrées médiatiques qui seraient par essence déclarée sexemptées du droit d’être critiquées. Pour moi aucun média, aucun journaliste n’incarne la vérité davantage qu’aucune autre personne. Pour autant son métier est précisément de fournir des informations, au risque de l’erreur. Ce travail est indispensable à la respiration d’une société démocratique. On peut exiger, et même  rudement, qu’il soit bien fait. Mais désigner ceux qui le font comme des ennemis du pays est un changement de registre qu’on ne peut accepter d’aucune façon. Non, tous les coups ne sont pas permis. La violence d’une polémique n’autorise pas selon moi qui en suis pourtant familier, et en particulier avec les médias, que soient banalisées des caractérisations politiques aussi graves que celle d’être des « collabos » (avec quel occupant, monsieur Raoult ?) ou des « fascistes » (quelles bandes armées monsieur Plenel commande-t-il, monsieur Bertrand ?). Je le dis d’autant plus sereinement que j’ai moi-même été diffamé de cette façon et avec ces mots, en compagnie de monsieur Dupont Aignan, par le journalistissime Alain Duhamel qui a déclaré sur RTL que la faillite de l’Europe était pour nous « la divine surprise », expression de l’extrême droite d’avant-guerre à propos de l’invasion nazie et de l’instauration du régime du maréchal Pétain. Aucun journaliste n’avait, bien sûr, dénoncé cet infâme abus de langage à une heure de très grande écoute. Mais qui suis-je pour mériter d’être respecté ? Personne il est vrai ! Comme l’ont démontré les onze jours de pilonnage répugnant que la corporation des médiacrates  a déversé  contre moi après que j’ai remis cet inepte étudiant en journalisme à sa place et qu’il en a volé les images pour les diffuser de tous côtés et pleurer ensuite à chaudes larmes dans le gilet des confrères. En parallèle exact je devrais laisser cette corporation moutonnière pétrie d’esprit de caste se faire égorger à son tour et je pourrais même ricaner. Si je ne le fais pas ce n’est certainement pas parce que j’éprouverais une tendresse nouvelle pour un système médiatique dont je critique radicalement le fonctionnement, les normes sociales, les conditions  professionnelles et le noir corporatisme. Je proteste contre les injures adressées à Médiapart parce qu’elles nuisent à l’existence même du débat plus lourdement encore que les abus innombrables auxquels s’est abandonné le système médiatique lui-même. Je ne me sentirais pas libre de ma critique argumentée si je la laissais confondre avec d’aussi viles injures.

    Une chose que vous devez savoir c’est que je ne suis pas un aussi bon député européen que mes comptes rendus réguliers et mes notes de séance pourraient vous le faire croire. Un classement indépendant, éthique et moral d’un journal qui a forcément raison, me classe dans les mauvais sujets qui n’ont que 64 % de présence sur place. Bien sûr mon nom est publié. Rançon de la gloire. Avec celui de Rachida Dati, de Jean-Marie Le Pen et de Vincent Peillon parce que l’opprobre doit toucher tous les partis afin que l’objectivité du journal soit visible. Ce journal lui-même est bien loin de publier quelque chose de régulier sur les travaux du parlement européen, ni même sur seulement 64 % des sujets traités. La publication sur ce blog dans la rubrique en bas à droite de fiches descriptives par dossier adopté au parlement européen n’a, bien sûr, non plus aucun équivalent dans ce journal-là. Mais je confesse que oui, j’ai été absent à deux sessions de Strasbourg, en février et en mars. Le premier de chez moi qui tord le nez devra méditer la prochaine fois qu’il m’invitera à venir participer à un meeting de campagne électorale. Faire vivre la démocratie dans son pays comme élu au moment des élections régionales n’est pas compté en Europe comme du temps utile valant mot d’excuse. Et maintenant, vous qui vous cabrez,  entendez le plus scandaleux : je me fiche comme d’une guigne de ce classement ! Je n’ai pas le moindre regret d’avoir passé ces journées à battre la campagne avec mes camarades ! Je suis content du boulot que j’ai fait en campagne et au parlement européen. Mais bien sûr, si mon état d’esprit vous choque et si mon travail ne vous plaît pas vous devez refuser de me réélire la prochaine fois. À supposer que je sois candidat. De mon côté je vais essayer évidemment d’améliorer ma capacité de pointage l’année prochaine ! Mais ça se discute avec ceux qui voudraient me voir consacrer davantage d’énergie à d’autres tâches…

    Justement je voudrais vous dire un mot du parlement européen. La session de juillet a été dense et ennuyeuse. Avec des pics d’adrénaline cependant. Mercredi on votait sur les "nouveaux aliments". Oui, ca existe. Les nouveaux aliments ce sont les aliments en provenance de pays tiers, les ingrédients alimentaires contenant des nanomatériaux manufacturés et les denrées alimentaires produites à partir de descendants d’animaux clonés… Berk ! Ça ne donne pas envie ! Il y avait déjà eu un vote sur le sujet en Mars 2009. Le parlement avait alors majoritairement demandé que les aliments issus d'animaux clonés et de leurs descendants soient exclus du champ d'application et qu'un étiquetage précis soit mis en place concernant les nouveaux aliments. Un étiquetage distinctif pour aliments issus d'animaux nourris aux OGM avait notamment été réclamé. Aucun de ces amendements n’a été accepté par le Conseil européen. Nos gouvernements n’ont pas voulu en entendre parler. Merci monsieur Fillon ! Pourtant, il faut savoir qu’on est incapable à l’heure actuelle d’estimer  les conséquences réelles du clonage. Plus de la moitié des animaux clonés sont en mauvaise santé et développent des malformations graves. Alors que dire de leurs descendants ? Quelles évolutions sur plusieurs générations ? Quelles conséquences pour le consommateur ? Personne ne sait le dire avec exactitude à ce jour. Ça n’empêche pourtant pas le Conseil d’être favorable à l'ouverture complète des aliments issus d’animaux clonés « en attendant une législation spécifique ». Vous avez bien lu. Tant qu’on n'a rien décidé on laisse faire ! Le principe de précaution à l’envers ! La Commission a donc pu facilement se donner un air plus raisonnable devant tant d’aveuglement. Mais ça ne casse pas trois pattes  à un canard, même cloné ! En effet  elle s’oppose  à l'autorisation comme aliments de ce qui est issu de la première génération de descendants d'animaux clonés. Mais pas à ceux de la deuxième génération. Finaude la commission ! Comme on n’a pas plus de preuves de l’innocuité des aliments issus des nanotechnologies, non plus, le Parlement européen a donc fort heureusement réitéré son point de vue en deuxième lecture. Jusqu’à la prochaine offensive du Conseil et de la Commission ? Bien sûr. Mais on peut quand même se réjouir du résultat de nos votes.

    Autre sujet piquant. Jeudi, arrivait en plénière un texte sur l’intégration du Kosovo à l’Union européenne. Argument avancé par la rapporteur, Madame Lunacek des Verts : on ne peut pas discriminer les Kosovars alors qu’on négocie avec les autres pays des Balkans. Mais le problème est précisément que le Kosovo n’a pas été reconnu comme étant un État par 5 pays  membres de l’UE : l’Espagne, la Grèce, Chypre, la Slovaquie et la Roumanie ! Les États-Unis ont été le principal soutien et instigateur de l’indépendance du Kosovo. Il s’agissait de punir la Serbie et de récompenser les larbins au pouvoir en Albanie. Tout ce que le monde compte de zélés atlantistes s’est retrouvé pour reconnaître cet État croupion. Parmi ces derniers,  le Président Sarkozy, qui a été parmi les premiers à reconnaître le Kosovo et  le FMI de Dominique Strauss Kahn qui a intégré le Kosovo en Mai 2009. Les États-Unis ont installé une de leurs plus grandes bases militaires au Kosovo en 1999. Il s’agit de camp Bondsteel, le « Guantanamo miniature » des États-Unis, maintes fois dénoncé pour actes de torture. C’est tout cela qui est en jeu avec l'intégration du Kosovo dans l'UE ! En particulier c'est donc admettre la présence sur le territoire européen d'une des plus grandes bases militaires des États-Unis dans le monde! Et pourquoi ces braves amis de la liberté sont-ils là ? Ils assurent la sécurité du projet de pipeline Trans-Balkans AMBO qui doit faire le lien avec les pipelines transportant le gaz et le pétrole de la Mer Noire et du Bassin de la Mer Caspienne. La Serbie, jugée trop proche de la Russie, pouvait mettre en danger la construction de ce pipe-line stratégique. Ce sont des entreprises comme Halliburton, grassement financées par les États-Unis, qui construisent ce pipe-line. Et voyez comme le hasard est finaud lui aussi : la base militaire de camp Bondsteel est située à deux pas des chantiers de construction. De tout cela personne ne parle. On entend juste les habituels couplets enchantés sur l’Europe qui protège et les peuples qui gémissent du désir de venir y jouir de ses bienfaits. Pas question pour moi d’accepter l’adhésion de ce qui demeure pour la majeure partie des pays du monde, dont rien de moins que la Chine, la Russie, l’Inde, le Brésil  et l’ONU elle-même, une province de Serbie. Ça n’a pas empêché 455 eurodéputés de se prononcer en faveur de ce rapport provocateur contre 155 et 28 abstentions. Les élus du MODEM, du PS et d’Europe Ecologie ont tous voté pour avec les autres atlantistes du parlement ! Irresponsable et affligeant !  

    Pendant que j’y suis, voici un dernier récit qui ne comptera pas dans ma statistique de travail parlementaire. D’ailleurs de quel parlement s’agit-il ? Le Parlement européen est un parlement croupion. Dire « Parlement » est, à proprement parler, un abus de langage puisqu’il n’a ni pouvoir d’initiative législative ni véritable contrôle sur la Commission européenne. Son seul pouvoir réside en fait dans sa capacité de blocage. Autant dire qu’il ne s’en sert pas souvent ! Mais le 11 Février dernier, à la surprise générale, les eurodéputés en avaient très majoritairement fait usage en bloquant la mise en œuvre de l’accord entre l’union Européenne et les USA sur le transfert de données bancaires à caractère personnel dit « SWIFT ».  SWIFT est une société bancaire belge. Après 2001, à la demande de Washington, elle avait accepté de transférer des données bancaires à caractère personnel au Trésor états-unien. C’était bien sûr totalement illégal. En Novembre 2009, le Conseil européen, merci monsieur Fillon, et les États-Unis signaient un accord avalisant et élargissant le champ d’application de cette ingérence états-unienne. C’était trop ! Le Parlement européen avait rejeté l’accord. Les gargarismes avaient été bruyants sur le pouvoir de blocage d'accords internationaux concédé par le Traité de Lisbonne ! Un bien maigre pouvoir pourtant pour une assemblée qui en reste largement privée. Les États-Unis et nos gouvernants ont très vite réagi à cet affront. Dès le mois de Mai, le Conseil européen chargeait la Commission européenne de négocier un nouvel accord. Et il y a quelques jours, le 28 Juin, l’arrangement était signé. Il  permet, entre autres, la conservation de toutes les données pendant  5 ans, y compris celles obtenues illégalement. Un délai absurdement long. Il permet aussi l'élargissement du champ d'application aux comptes de tous les citoyens. Il autorise le partage de ces données avec tous les services répressifs du monde. Il ne donne bien sûr aucune garantie de recours aux personnes concernées. Humour noir : ces derniers pourront se faire confirmer que leurs droits « ont été respectés » ! Alors, heureux ? Il charge Europol, l’Office Européen de Police qui récolte arbitrairement des données personnelles en Europe, de donner son aval aux demandes états-uniennes. Comble du comble, il stipule très clairement que si l'accord venait à être dénoncé ou suspendu par une des parties, les données détenues continueraient à être traitées! C’est cet accord que le « Parlement européen » vient d’accepter par 484 voix contre 109 et 12 abstentions ! Les groupes GUE/NGL et les Verts ont voté contre. Les groupes Social démocrate (SD) et Libéral démocrate (ALDE) ont majoritairement voté pour. Parmi les Français de ces deux groupes, seuls Estelle Grelier et Jean-Luc Bennhamias se sont abstenus. Tous les autres ont voté pour. Un acte indigne de soumission aux ingérences des États-Unis et à leur paranoïa sécuritaire!  Ça m’étonnerait que ça permette de pister les comptes de madame Bettencourt. Mais ça permet de savoir que des gens n’en perdent pas une miette sur le sujet. Amusant non ?

    Jean-Luc Mélenchon


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