• Jean-Luc Mélenchon répond aux propositions du Parti Communiste Réunionnais

    Lettre du candidat du Front de Gauche à Élie Hoarau

    10 mars 2012

    Dans le cadre de l’élection présidentielle, le PCR a élaboré des propositions pour un "Pacte de développement durable et solidaire pour La Réunion". Ce programme a été rendu public le 19 février dernier lors de la conférence extraordinaire du Parti à Sainte-Suzanne. Le PCR a adressé ce document aux candidats des forces de progrès à l’élection présidentielle. Dans une lettre adressée à Élie Hoarau, secrétaire général du Parti Communiste Réunionnais, Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de Gauche à l’élection présidentielle, fait part de sa position vis-à-vis de ces propositions présentées par la conférence extraordinaire du PCR tenue le 19 février dernier à Sainte-Suzanne. Il annonce également sa venue dans notre île pour participer à un grand meeting le 25 mars à la Halle des manifestations du Port. Comme il s’y était engagé, le PCR rend publiques les réponses qu’il reçoit. C’est pourquoi nous reproduisons ci-après le contenu de la lettre du candidat du Front de Gauche adressée au Parti Communiste Réunionnais :

     

    <p>Jean-Luc Mélenchon : « je suis persuadé que la jeunesse de l'île a un avenir. Je suis convaincu que l'on peut sortir d'un mode de développement injuste et insoutenable ».
(photo Imaz Press Réunion)</p>

    Jean-Luc Mélenchon : « je suis persuadé que la jeunesse de l’île a un avenir. Je suis convaincu que l’on peut sortir d’un mode de développement injuste et insoutenable ». (photo Imaz Press Réunion)

     

     

    « Les Lilas, le 7 mars 2012
    Monsieur le Secrétaire Général, cher Élie

    Je te remercie pour le courrier que tu m’as adressé au nom du Parti Communiste Réunionnais. Il me donne l’occasion d’indiquer brièvement le diagnostic que je porte sur la situation de La Réunion et les propositions que formule le Front de Gauche pour sortir de l’impasse dans laquelle vous enferme notre mode actuel de développement.

    La Réunion est sur une ligne de faille. Ce n’est pas seulement vrai au plan géologique. L’île condense à un point extrême les déséquilibres sociaux, politiques, écologiques qui minent notre République. Vous êtes les premières victimes des politiques d’austérité, de désengagement de l’État, du développement de la pauvreté, de l’explosion des inégalités, de la confiscation oligarchique du pouvoir, du libre-échange, de modes de production et d’échange écologiquement insoutenables. Quand le gouvernement à Paris réduit l’investissement public, étrangle les collectivités, affaiblit les protections sociales, vous en ressentez les effets plus fortement qu’ailleurs. Alors le consentement à l’autorité vacille. La stabilité et la cohésion de la société réunionnaise peuvent être rapidement emportées.

    Les récents événements provoqués par la vie chère l’ont rappelé. La Réunion est le cratère d’une France en état d’urgence sociale et politique. Vous pouvez être un cratère d’effondrement ou un foyer d’éruption. Nul ne le sait. Mais quoi qu’il en soit, il est certain que la chaîne finira par craquer. Nul ne sait non plus quel paysage résultera de ces craquements. Mais là encore je suis certain que La Réunion peut être demain une pointe avancée où un nouveau modèle de développement social et écologique émergera plus vite et plus nettement qu’ailleurs.

    Je récuse donc la thèse selon laquelle La Réunion serait en retard par rapport à la métropole, retard qu’il conviendrait de rattraper. Je pense que vous êtes au contraire en avance dans la marche des événements. Vous êtes en avance, hélas, sur la catastrophe sociale produite par les politiques néolibérales. Vous êtes en avance pour l’invention d’une alternative.

    De même je ne partage pas la vision dominante en métropole selon laquelle La Réunion est un territoire périphérique. La Réunion est à mes yeux un lieu névralgique où se joue l’avenir de notre République. Ce n’est pas la première fois. L’histoire a souvent fait des Outre-mers et de La Réunion une frontière brûlante et de l’émancipation humaine. Tout commence aux Antilles et à La Réunion quand les promesses de la Révolution française sont venues contredire l’esclavage. Lorsque les principes d’égalité humaine inscrits dans la Déclaration des Droits de l’Homme qui avaient d’abord interdit cette barbarie ont reflue pour s’arrêter à vos portes, c’est la Révolution elle-même qui s’est interrompue puis a reculé. De même, la loi de départementalisation est inséparable de la libération de notre pays après 1945. Et en 1988, iI a fallu la victoire de la gauche pour voir reconnue l’égalité sociale en lieu eu place de l’inique parité. Il faut tirer les leçons de cette histoire longue. Je note qu’aucun de ces bouleversements ne s’est produit sans que les Réunionnais ne s’en mêlent au premier chef. C’est la rencontre des mobilisations populaires venues de la société réunionnaise et de celles nées dans la métropole qui ont rendu possibles ces avancées, iI a fallu aussi que ces mouvements puissent s’appuyer des femmes et des hommes qui ont joué un rôle indispensable. À La Réunion, Paul Vergès marche au premier rang de ceux-là. En métropole, je pense à François Mitterrand, qui n’avait pas oublié que La Réunion était « l’une des sociétés les plus inégalitaires » qu’il lui ait été donné de soir.

    Aujourd’hui encore, l’ambition transformatrice d’un candidat de gauche se juge à l’ambition de changement qu’il adopte pour votre territoire. Pour ma part, je considère que la pauvreté elle chômage de masse à La Réunion ne sont pas une fatalité. Je suis persuadé que la jeunesse de l’île a un avenir. Je suis convaincu que l’on peut sortir d’un mode de développement injuste et insoutenable. Je suis certain que l’application de notre programme l’Humain d’abord changerait vraiment la vie à La Réunion. J’en viens donc maintenant à la présentation de nos grandes orientations programmatiques et à leur traduction dans l’île.

    La première priorité de notre programme est le partage des richesses.

    La Réunion en connaît l’urgente acuité. Combien de souffrances humaines derrière ce chiffre de 49% de la population réunionnaise qui vit sous le seuil de pauvreté ? Combien de frustrations pour les 60% de jeunes de moins de 25 ans privés d’emplois et donc de possibilité de projets de vie ? Quelle insertion pour les milliers de personnes placées devant l’impossibilité de trouver un logement, sinistre résultat des politiques de défiscalisation qui ont montré leurs limites ?

    Le Front de Gauche portera immédiatement le SMIC à 1.700 euros bruts. Cela redonnera sans tarder de l’oxygène à tous les travailleurs réunionnais étranglés par la vie chère. Nous augmenterons substantiellement les minimas sociaux. Ainsi nous nous attaquerons à la pauvreté de masse qui ravage la population de l’île Ici plus qu’ailleurs, je fais mien ce slogan de révolutions citoyennes en Amérique du Sud : « ce qui est bon pour les pauvres est bon pour tous ». Nous combattrons résolument la précarité qui mine tant de vies. Pour cela nous titulariserons immédiatement les précaires de la Fonction publique. Dans le privé, des quotas maximaux de travailleurs précaires seront fixés selon la taille des entreprises. Les loyers seront encadrés à la baisse. Plus aucune retraite ne sera inférieure au SMIC.

    Notre proposition de construction de 200.000 logements publics sociaux par an au plan national pendant 5 ans intégrera la nécessité de combler le retard grandissant de logements notamment sociaux à La Réunion. L’État mettra les moyens nécessaires afin d’atteindre l’objectif annuel de 10.000 logements dont 7.000 sociaux. Pour cela, la LBU sera augmentée de façon significative afin de résorber celle situation en 2 mandatures. Cette politique permettra aussi de créer des emplois et de répondre à la situation dramatique que connait le secteur du BTP depuis 4 ans. Par ailleurs, la SRU sera fixée à 30% et les sanctions renforcées. L’État veillera à une prise en charge améliorée du prix de terrains viabilisés, en ce qui concerne les logements aidés.

    Ces mesures ne sont pas seulement des exigences de justice sociale après ces années où une part sans cesse croissante de la richesse produite a été captée per le capital au détriment du travail. Elles sont aussi une stratégie économique. Face à la crise, les politiques d’austérité ou de rigueur, dont se réclament sous des formes diverses tous mes adversaires et concurrents, provoquent une vis sans fin de récession. L’exemple tragique de la Grèce est là pour le rappeler. Le Front de gauche promeut au contraire la relance de l’activité. Notre dynamisme démographique doit nous dissuader de privilégier la relance. Il ne faut pas imiter un pays vieillissant comme l’Allemagne, où les retraités dépendent en grande partie de systèmes par capitalisation. Il faut protéger le travail, faire le choix des productifs contre les financiers, diminuer le coût de la dette pour investir davantage dans l’avenir en construisant les écoles et les hôpitaux dont nos enfants auront besoin en grand nombre. Je retrouve cette stratégie dans vos propositions qui veulent anticiper l’augmentation et le vieillissement de la population réunionnaise, notamment par la création d’un vaste secteur d’emplois de services à la personne et je les soutiendrai activement.

    J’en profite pour dire que la relance de l’activité est à mes yeux la seule politique efficace pour assurer le droit à l’emploi des Réunionnaises et des Réunionnais et en finir avec cette situation intenable ou les jeunes Réunionnais qui aspirent à participer au développement de leur ile ne peuvent travailler au pays. Il y a tant de besoins sociaux non satisfaits à a Réunion pour que l’on ait besoin de tous les habitantes et habitants de l’ile. Surtout si l’on décide d’affronter pour de bon la catastrophe écologique.

    La seconde priorité de notre projet est la planification écologique.

    Je veux d’abord vous dire que ma réflexion en la matière doit beaucoup à l’exemple de La Réunion et notamment aux projets régionaux d’autonomie énergétique que vous avez portés. On croit souvent que l’insularité place à l’écart du monde. C’est l’inverse. Votre situation geographique vous a permis de comprendre avant d’autres l’intérêt général humain qui s’attache à la préservation de notre environnement. Ici plus qu’ailleurs vous connaissez la fragilité des écosystèmes qui permettent la vie humaine. Et vous savez qu’une transition énergétique est indispensable pour enrayer la catastrophe écologique aujourd’hui en marche.

    C’est pourquoi la remise en came par le conseil régional UMP du projet du train train va à l’inverse du mouvement de l’histoire. La récente crise a rappelé que le coût du carburant pour les ménages impose de réduire la dépendance vis-à-vis des énergies fossiles. S’y ajoute l’impératif vital de la lutte contre l’effet de serre, le Front de Gauche mènera donc une grande politique favorisant le développement de transports collectifs accessibles à toutes et tous. La mise en place du Pôle national des transports publics visera cet objectif. S’agissant de La Réunion, l’orientation qui lui sera donnée sera d’accompagner la réalisation d’un transport ferroviaire propre. La solution ferrée est un des éléments clés de la planification écologique que nous appelons de nos voeux. Cette solution ferrée joindra Saint-Benoît à Saint-Pierre. La fin de la route du littoral dans la forme actuelle de son projet et du trans éco express sera concrétisée. Les différents modes de déplacements seront intégrés dans une politique globale publique des transports qui donnera toute sa place aux transports collectifs. Cette politique prendra en considération le relief de l’île et aura pour objectif de permettre à tout Réunionnais d’accéder à un transport de qualité au plus proche de chez lui. La continuité territoriale sera renforcée par la mise en oeuvre d’une dotation dont les critères de calcul seront équivalents à ceux existant pour la Corse.

    La remise en cause de l’objectif d’autonomie énergétique est une autre erreur historique de la droite réunionnaise. Avec le Front de Gauche, cet objectif d’autonomie énergétique sera poursuivi à travers des programmes et des recherches tous azimuts pour la valorisation des énergies renouvelables, qu’il s’agisse du vent, du solaire, de la géothermie terrestre ou marine et des mouvements de la mer. Vu ses immenses potentialités en la matière. La Réunion accueillera une part importante de ces recherches.

    La défense de la biodiversité exceptionnelle de l’ile avec ses milliers d’espèces endémiques constituera un autre chantier essentiel de la planification écologique à La Réunion et une contribution majeure au patrimoine naturel de la France et du Monde.
    La planification écologique, c’est aussi une politique de relocalisation de l’économie, indispensable pour réduire les déplacements inutiles de marchandises émetteurs de gaz à effet de serre. À La Réunion, nous remettrons en cause l’économie de comptoir qui tient l’Ile pour un simple point de passage des exportations françaises. Ce choix constant jusqu’à aujourd’hui a ravagé l’industrie locale. Aujourd’hui vous consommez dans une proportion sans précédent des produits importés, venus majoritairement de la métropole distante de 10.000 kilomètres. Cela ne peut plus durer.

    Comment faire ? À l’inverse des libéraux qui ne reconnaissent que le privé, nous prendrons appui sur des acteurs économiques aux statuts diversifiés. Nous avons besoin de services publics, d’entreprises privées mais aussi d’entreprises de l’économie sociale et solidaire parmi lesquelles notamment les coopératives. Je soutiendrai ces formes de propriété collective qui libèrent l’économie du poids de la finance, de l’accumulation sans limites, établit un lien étroit entre le développement de l’entreprise et celui du territoire, modifie la situation des travailleurs en leur donnant du pouvoir sur les choix de gestion. Les citoyens et les travailleurs ont besoin d’outils concrets pour reprendre la main face aux monopoles privés qui dominent l’économie réunionnaise. La création d’un grand pôle financier public permettra également de reprendre le pouvoir sur les banques et financera ces investissements d’avenir à travers une politique de crédit sélectif bénéficiant aux particuliers comme aux PME. À La Réunion spécifiquement. l’État soutiendra la création d’un fonds réunionnais de développement mobilisant des recettes nouvelles et orienté vers ce développement à la fois écologique et créateur de dizaines de milliers d’emplois.

    La relocalisation de l’économie luttera également contre la vie chère. C’est d’autant plus essentiel que la raréfaction du pétrole va faire s’envoler le coût des importations. Plus globalement, la planification écologique doit permettre de libérer la société réunionnaise de ses dépendances multiples. Vous savez que j’ai défendu pour l’île un modèle de développement endogène. Depuis, ce terme a été repris et dénaturé par Nicolas Sarkozy pour justifier le désengagement de l’État. Pour le Front de Gauche, il s’agit au contraire d’une stratégie globale qui doit être poursuivie de façon adaptée sur tous les territoires de la République. Il y aura donc une mobilisation massive de la puissance publique, garante de l’intérêt général et maitre du temps long auquel les intérêts privés sont indifférents.

    La planification écologique aura enfin à prendre en compte les enjeux du monde océanique, cette nouvelle frontière, encore si méconnue et dont l’exploitation durable regorge de potentialités en terme d’innovations scientifiques de réponses au défi alimentaire, de biodiversité et de richesses minières. Je veux notamment valoriser l’exploitation durable de la zone de pêche exceptionnelle dont vous disposez. D’autant que c’est aussi pour La Réunion un enjeu de souveraineté alimentaire. Je m’engage à rompre avec cette politique européenne et nationale qui consiste à délivrer des quotas de pêche à des pays tiers sans que ne soient pris en compte les intérêts de La Réunion. Tout au contraire, cette nouvelle stratégie sera mise en oeuvre pour faire de La Réunion la grande base de pêche du sud-ouest de l’océan Indien, au profit de son développement propre. Pour y parvenir, il faudra donc changer le cadre européen.

    Le troisième axe de notre programme est la sortie du traité de Lisbonne et le rejet des traités européens Sarkozy-Merkel.

    La réalisation de ces objectifs va de pair avec le refus des politiques d’austérité actuellement imposées aux peuples européens, le « traité » sur la stabilité financière voulue par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, hélas accepté par les sociaux-démocrates, est porteur de régressions sans précédent. C’est la mise en cause, partout, des salaires, des droits sociaux et la casse des services publics. Jamais un coup aussi rude, aussi violent n’a été porté au progrès social et les conséquences de ces mesures seront démultipliées dans les économies et les sociétés fragiles des Outre-mers. Les parlementaires socialistes qui par leur vote au Parlement européen puis devant le parlement national ont accepté cette orientation donnée à l’Union européenne auront à s’expliquer sur une contradiction. Comment peuvent-ils promettre aux Outre-mers une politique de rattrapage et dans le même temps se soumettre aux règles sur la stabilité financière qui empêche sa mise en oeuvre ? Tout aussi grave est la proposition de la Commission européenne d’introduire une procédure sur les déficits excessifs et la menace de suspendre les fonds structurels pour les pays qui ne respecteraient pas ces critères surréalistes. C’est pour les départements d’Outre-mer une épée de Damocles et une insécurité qu’il faut refuser.

    Je m’inquiète du sacrifice des territoires d’Outre-mer par les instances européennes.

    Aujourd’hui la Grèce, l’Irlande. le Portugal ou l’Espagne sont traités comme des périphéries de l’Union européenne. Leur avenir est sacrifié pour protéger un centre réduit pour l’essentiel à l’Allemagne. Qu’en sera-t-il demain pour La Réunion que le jargon communautaire considère déjà comme une Région ultra-périphérique ?

    Dans le cadre posé aujourd’hui par Bruxelles, aucune promesse faite par les candidats pour développer La Réunion ne pourra être tenue. À moins de rejeter, comme j’en ai pris l’engagement devant les Français, ces traités et de donner à l’Europe une nouvelle direction. C’est aussi une nécessité pour ouvrir la voie à une autre mondialisation.

    Le quatrième axe de notre programme est la construction d’une autre mondialisation.

    Pour La Réunion comme pour les régions insulaires, le développement ne peut se concevoir contre la géographie. Et la géographie de La Réunion c’est l’Océan Indien. En qualifiant La Réunion d’ultrapériphérique, on l’enferme dans une relation exclusive avec l’Europe. Or, par définition le centre c’est soi-même, là où l’on vit. La Réunion doit elle se penser comme le bord d’un monde ou le commencement d’un autre ? Telle est la perspective d’avenir. Seule une ambition au niveau présidentiel pourra faire en sorte que l’avance de La Réunion dans bien des domaines puisse dans une vraie politique de co-développement profiter aussi bien aux pays de votre environnement régional qu’à la jeunesse réunionnaise hautement qualifiée.

    Pour moi comme pour vous, la capacité de la société réunionnaise à penser son lien au monde implique aussi un nouveau développement culturel. Le sens à donner à celui-ci doit être décidé par la société réunionnaise elle-même. Pour ma part je suis convaincu qu’une culture réunionnaise spécifique peut être un vecteur d’ouverture au monde. Elle peut permettre au grand nombre des habitants de l’île de penser leur rapport singulier à un écosystème unique ou encore de donner un sens à la présence de La Réunion dans l’archipel des Mascareignes et l’océan Indien. Ce grand projet culturel appelle des équipements qui manquent aujourd’hui à La Réunion. L’État s’engagera pour leur réalisation.

    La Réunion est également affectée par le libre échangisme mondial et les intérêts des marchés bien servis par l’OMC qui comme un rouleau compresseur avance pour écraser les petits producteurs des départements d’Outre-mer. Actuellement, les nouveaux partenariats économiques ont placé tout le monde sous l’égide de la concurrence généralisée. Ce modèle assigne aux régions insulaires un rôle de hub de passage des marchandises européennes manufacturées vers des continents désarmés par les accords de libre-échange. À mesure que l’Europe exporte la règle de Ia libéralisation, ses produits manufacturés se déversent en transit par ses territoires « ultra-périphériques » conçus comme des postes avancés en territoire commercial à submerger.
    En contrepartie, on concède la liberté de circuler aux produits agricoles. Tout le monde y est perdant. Car les agricultures vivrières sont éradiquées au profit de produits de l’agriculture productiviste, à très bas prix et de mauvaise qualité. On a vu ça pour le cas de la banane, en écrasant toutes les productions locales. Tout ce qui a été construit dans les territoires insulaires de la Caraïbe, mais aussi dans les Océans Indien ou Pacifique, est menacé par cette ouverture généralisée. Elle tue net tout objectif de développement propre. La droite et les sociaux-démocrates s’en réjouissent ou s’en accommodent car ils tiennent cela pour un effet secondaire du dogme de la libre circulation qu’ils considèrent comme garante du développement. Pour ma part je m’y refuse. C’est en 2015 que sera renégocié le nouveau règlement sucrier. Je prends l’engagement de ne pas être le President qui sacrifiera les intérêts des petits planteurs de canne sur l’autel de grands marchandages mondiaux. Et d’ici la j’aspire surtout à rendre le pouvoir au peuple.

    Le cinquième axe de notre programme est la convocation d’une Assemblée constituante pour instaurer une Sixième République

    La domination sans partage de l’oligarchie comme l’exclusion d’un grand nombre de nos compatriotes du jeu politique rend nécessaire un changement de régime. Nicolas Sarkozy a poussé à son paroxysme la logique antidémocratique de la Cinquième

    République qui prétend confier l’essentiel des pouvoirs entre les mains d’une seule personne. Pour rompre avec cela, je m’inspire de l’acquis des révolutions citoyennes en Amérique Latine qui ont commencé leur oeuvre transformatrice par la convocation d’assemblées constituantes.

    Le Front de Gauche porte des propositions institutionnelles qu’il soumettra au débat de la Constituante. Nous détendons notamment l’instauration d’un régime parlementaire, la proportionnelle, le non-cumul des mandats. La répartition des compétences entre les différents échelons de la République devra aussi être débattue. À mes yeux elle n’aura de sens que si elle est un moyen de renforcer la souveraineté du peuple. S’il s’agit de modifier le partage du pouvoir entre les élus, le peuple n’en voudra pas comme l’ont montré les référendums de 2010 en Guyane et en Martinique.

    Pour le Front de Gauche, c’est une révolution citoyenne qui est à l’ordre du jour. La mobilisation de la société est la condition de la politique de changement que nous proposons. Et l’implication notamment de nos concitoyens des classes populaires qui se tiennent aujourd’hui à l’écart du vote. À La Réunion, ce combat pour l’implication des pauvres passera également par un plan d’action massif contre l’illettrisme. La refondation des structures administratives sera aussi à l’ordre du jour. Il faudra veiller notamment è un recrutement correspondant mieux à la population de l’île. Je soutiendrai dans cc cadre le projet d’installation d’un IRA à La Réunion qui permettra à davantage de jeunes Réunionnais d’accéder aux emplois administratifs de haut niveau sur l’île.

    Nous concevons notre campagne comme un moment de cette révolution citoyenne.

    C’est pourquoi nous avons voulu en faire un temps exceptionnel d’éducation et de rassemblements populaires. J’ai souhaité qu’elle soit conduite dans le même esprit à La Réunion. C’est un dirigeant syndical ouvrier, Ivan Hoareau, qui l’anime. J’ai souhaité aussi qu’un élu réunionnais, mon collègue au Parlement européen Younous Omarjee, par ailleurs membre de cette nouvelle génération que vous avez fait accéder aux responsabilités, siège au Conseil national de campagne du Front de Gauche. Tous ceux qui veulent s’y impliquer sont les bienvenus, sans aucune exclusive. À partir des orientations générales de notre programme I’Humain d’abord, l’autonomie d’action est notre règle commune.

    Voilà cher Élie, les premières réponses que j’apporte au courrier que tu m’as adressé.

    J’ai décidé au vu de la situation dans l’île de me rendre le 25 mars prochain à La Réunion. Je participerai à une initiative du comité de campagne réunionnais et je prendrai la parole lors d’une réunion publique à la Halle des manifestations pour exposer les axes de mon programme et de mon ambition pour La Réunion. De votre côté vous discuterez de votre position dans l’élection présidentielle. Je sais les convergences majeures qui existent entre le Front de Gauche et le PCR. Je sais aussi la place centrale qu’ont occupé et que vont continuer à occuper les militants du PCR dans les combats émancipateurs de l’île. Je te dis donc à bientôt.

    Bien à toi. »

    Jean-Luc Mélenchon


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