• La Grèce peut-elle s'inspirer de l'Argentine?

     Propos recueillis par Alice Pouyat, à Buenos Aires -publié le 24/10/2011 à 14:06 dans Express.fr

    En 2001, l'Argentine s'enfonçait dans une crise qui rappelle celle de la Grèce. Dix ans plus tard, le pays affiche une croissance insolente. Avec des leçons à donner à l'Europe? Les réponses de Roberto Lavagna, ministre argentin de l'Economie de 2002 à 2005, principal artisan de la relance du pays.

    Roberto Lavagna, ici lors de la campagne présidentielle de 2007.
    Roberto Lavagna, ici lors de la campagne présidentielle de 2007.
    REUTERS

     

    Peut-on comparer la situation de la Grèce et de l'Argentine en 2001?

    Oui, surtout du point de vue économique. Dans les deux cas, il y a un déficit fiscal important, un déficit des balances de paiement, presque quatre ans de récession. A cela s'ajoute une monnaie fixe qui empêche de dévaluer (l'euro pour la Grèce, le dollar pour l'Argentine en 2001). Et, bien sûr, une dette qui ne cesse de se creuser puisque le PIB recule.

    Le triomphe de Cristina Kirchner La Grèce peut-elle s'inspirer de l'Argentine?

    REUTERS/Martin Acosta

    En Argentine, Cristina Kirchner a été réélue présidente ce dimanche dès le premier tour. Son triomphe couronne une réussite économique inespérée, dix ans après la grande crise de 2001. Lire notre reportage en cliquant ici.

    Il y a tout de même des différences...

    La situation sociale de la Grèce est moins critique : son PIB par habitant est deux fois plus élevé que celui de l'Argentine en 2001.A l'époque, presque la moitié de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté.

    La seconde différence est institutionnelle : l'Argentine était un pays isolé quand la Grèce appartient à un ensemble politique économique extrêmement puissant qui peut l'aider... s'il le souhaite. Jusqu'ici, il me semble que la voie choisie par l'UE n'a pas été la bonne. Il faut agir et vite.

    En déclarant par exemple un défaut sur sa dette, comme l'Argentine?

    A ce stade, une large restructuration de la dette grecque est en tout cas nécessaire. C'est d'ailleurs plus simple qu'en Argentine. Dans notre cas, il y avait plus de 500.000 personnes ou investisseurs qui détenaient des bons du pays, huit monnaies et huit systèmes légaux différents. Dans le cas de la Grèce, la dette est concentrée dans les banques, principalement en euros.

    La Grèce doit-elle aussi poursuivre ses efforts d'ajustement?

    Non, il faut surtout mettre un terme aux programmes proposés par la Troïka et le FMI. Comme en Argentine en 2001, on suggère actuellement à la Grèce de nouveaux prêts d'urgence, en échange de nouveaux sacrifices, des réductions de salaires, etc. Mais quand le chômage augmente, quand l'économie se contracte, il n'y a plus de recettes fiscales. Le problème de la dette ne fait donc que s'accroître. Ce sont ces politiques de rigueur qui ont conduit à l'explosion de 2001. Les programmes qui ne comprennent pas de plan de relance ne servent que les banquiers et certains pouvoirs économiques.

    Comment avez-vous opéré cette relance ?

    Il n'y a pas de relance véritable sans consommation. Il faut soutenir l'emploi, le pouvoir d'achat et augmenter les investissements. En 2002, une des premières choses que nous avons faites a été de redonner à la population ce qu'on lui avait enlevé.

    Mas l'Argentine avait un autre atout pour repartir : le "boom" du prix des matières premières qu'elle exporte...

    Quand j'ai pris mes fonctions en 2002, le cours du soja était à 220 dollars la tonne. Quand j'ai quitté mon poste fin 2005, il n'avait presque pas bougé. C'est à partir de 2007 - donc bien après la relance de l'Argentine - qu'il a commencé à augmenter, jusqu'à frôler les 600 dollars. Aujourd'hui, l'Argentine a plus d'atouts que la Grèce, mais ce n'était pas le cas au moment où il fallait sortir de la crise.

    L'Argentine a aussi rebondi grâce à la dévaluation et la fin de la convertibilité peso-dollar. Une sortie de l'euro est-elle imaginable pour la Grèce?

    Cela ne me semble pas une bonne idée. La force de l'Union européenne devrait permettre d'éviter cette solution. Mais si la politique proposée à la Grèce ne change pas, la crise pourrait pousser le pays à une telle extrémité. Avec un risque de contagion invraisemblable. Hier on parlait de l'Italie ou de l'Espagne, aujourd'hui on parle de la France. Tout cela est le résultat de deux ans de chocs permanents pour le pays. Il faut aujourd'hui du courage politique pour changer de voie.


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