• Le bug grec avance

    On se souvient des trémolos des illuminés  de l’eurolâtrie pendant le référendum sur la constitution européenne. Puis ceux des députés et sénateurs, voleurs de votes populaires, qui permirent au traité de Lisbonne d’être adopté en Congrès à Versailles? C’était « l’Europe qui nous protège », grand tube de la période ! Et ainsi de suite. Où sont passés tous ces phraseurs, à cette heure ? Je veux dire à l’heure de la Grèce ? La Grèce est le tombeau du projet européen tel qu’il est devenu, depuis qu’il est la mise en œuvre implacable d’une Europe libérale sous tutelle allemande. On ferait bien de s’inquiéter ! La Grèce c’est la France pour la raison que ce sont les banques françaises qui possèdent le plus de titres de cette dette de la Grèce que les spéculateurs sont en train de rendre insolvable. Ensuite parce que si la guerre contre le peuple grec est gagnée par la Finance ce sera ensuite, tôt ou tard, le tour de la France. Tout ce qui se dit et se fait à propos de la Grèce aujourd’hui sans que nous protestions sera demain notre propre potage. L’affaire est en train de mal tourner. Très mal. Une spirale est amorcée que plus personne ne semble contrôler. Bug à l’horizon.
     Où sont-ils donc passés les eurolâtres?

    La honte doit les retenir au lit. Car « l’Europe qui protège», au nom des principes gravés dans le marbre du traité de Lisbonne est en train d’étrangler le peuple grec. Et pourtant ! Les bourreurs de crânes ne lâchent pas la pression. Je ne compte plus le nombre de griots qui récitent que les grecs ont « trop dépensé », vécu « au-dessus de leurs moyens » et truqué les comptes. C’est évidemment une façon d’imposer une vision de ce qu’est une « bonne gestion ». Et donc une façon de recommencer le rabâchage de « la seule politique possible ». Comme d’habitude aussi on est émerveillé par l’effet de meute qui répète cette vulgate.

    Un peu de mesure !

    Le montant de la production intérieure brute (PIB) de la Grèce est l’équivalent de celui du département des Hauts-de-Seine en France…. Rien qui ne puisse être maitrisé ! Quand à la gestion du refinancement de la dette, le problème est exclusivement politique. Si la banque centrale européenne prêtait directement à la Grèce au taux auquel elle refinance les banques, c'est-à-dire à 1%, le martyr du peuple grec cesserait aussitôt. Qu’on ne vienne pas dire que c’est un attentat communiste que cette idée. La banque fédérale américaine fait mieux (ou pire, selon les goûts) : elle rachète directement les bons du trésor qui servent à payer le déficit abyssal de l’État USA pour un montant qui est quarante cinq fois plus élevé que celui dont a besoin la Grèce. Elle levait 50 milliards d’euros quand les États-Unis levaient 2000 milliards de dollars. 

    Donc, à peine le plan « d’assainissement » est-il bouclé que déjà un nouvel assaut commence contre les Grecs. Une agence de notation vient de nouveau de dégrader la « note » grecque et, du coup, le taux d’assurance risque des prêts s’envole. Voici que commence un nouvel étranglement. Pour y faire face et apaiser les marchés, il faudrait, si l’on reste dans la logique qui a prévalu jusqu'à ce jour, « un nouveau plan » de rigueur. C’est impossible. Car le précédent est déjà une saignée.  Car avez-vous su quel plan de « redressement » Bruxelles a imposé à la Grèce ? Avez-vous vu ce que c’est que «l’Europe qui protège» pour les Grecs ? Globalement il s’agit de lui imposer une baisse des dépenses publiques, dès 2010, d’un montant équivalent à quatre points de la valeur de la production totale du pays (PIB). Le déficit passerait alors de 12,8 % à 8,7 % de cette PIB. Le rouge dans les comptes publics ne dépasserait pas les sacro-saint maastrichiens 3 % de PIB en 2012. Quatre points de baisse, oui, c’est bien d’une saignée dont il est question. Une saignée ! Que dis-je une amputation des membres. Même la France n’est pas sur cette trajectoire vers 3% dans un tel délai ! 

    Pour mémoire, je récapitule les principales mesures des deux Plans d’austérité successifs du premier ministre socialiste  Papandréou :

    Non remplacement de 4 départs à la retraite sur 5 dans la fonction publique (Papandréou fait mieux que Sarkozy !) ;

    Gel des salaires des fonctionnaires ;

    Baisse de 30 % des primes de congés payés des fonctionnaires ;

    Hausse de la TVA de 19 à 21 % ;

    Hausse des taxes sur les cigarettes (+60 %) et sur l’alcool (+20 %) ;

    Baisse de 10 % des dépenses d’assurance maladie ;

    Privatisations et ventes d’actifs :

    - Fermeture du tiers des offices de tourisme de la Grèce à l’étranger (alors que le tourisme est un des principaux moteurs du PIB grec)

    - Projet de vente des parts publiques dans la banque postale grecque (34 %),

    - Projet de vente des parts publiques dans Hellenic Telecom (dont Deutsche Telecom possède déjà 30 % et qui se frotte les mains à l’idée d’en récupérer 10 % supplémentaires dans des conditions d’urgence)

    - Vente de bateaux et d’immeubles appartenant à l’État.

    Cette asphyxie programmée de l’économie grecque, ce pillage organisé des avoirs de l’État,  quand ils furent programmés ne suffisaient encore pas aux eurocrates qui « nous protègent » ! Et encore, la Commission européenne affirme qu’il faudra aller plus loin ! Le Commissaire aux affaires économiques et financières Olli Rehn a exigé que les mesures prises « pour réduire les dépenses salariales dans le secteur public devaient avoir un effet permanent » au-delà de 2012. Et il considère que «de nouvelles mesures devront être prises en 2011 et 2012 ».  

    Et le plan européen de secours ?

    Ne nous en a-t-on pas bien sévèrement rebattu les oreilles ? Il est vrai que peu de monde s’est intéressé à son contenu réel. On avait évoqué avant tout la divergence franco-allemande. Puis on chanta la louange du compromis trouvé : un « pas majeur » selon Sarkozy qui devait se donner le beau rôle mondial qu’il affecte. En réalité, l’Allemagne a imposé sur toute la ligne ses positions dans l’accord trouvé par la zone euro (16 pays), sur un plan vidé de sa substance, en faisant céder la France, les pays du Sud et même la BCE. À la sortie le plan est minimaliste et hypothétique. Il est surtout difficile à appliquer : pour être activé, ce plan d’aide devra d’abord être soumis à la Commission et à la BCE puis approuvé à l’unanimité des pays de la zone euro ! Rapide et facile comme on l’imagine. Quand on se souvient qu’il fallut neuf mois pour adopter le versement de fonds pour le ravage des forêts après la tempête Klauss, on peut faire confiance…. Après quoi il faut relever l’humour macabre des précisions données pour la mise en œuvre de ce plan.

    Il s’agit nous dit-on d’un plan « en dernier recours ». Il ne serait activé qui si la Grèce ou un autre pays ne parvenait plus à se financer sur les marchés à des taux « raisonnables ». Or la Grèce est justement déjà étranglée par des taux prohibitifs (6 % au moment de l'adoption du plan) ! Le plan ne lui sera donc d’aucun secours si ces taux perdurent. Et encore moins s’ils s’élèvent. On pourrait s’en accommoder et se dire que c’est mieux que rien. Mais ce qu’il reste à savoir c’est que, précisément, ce n’est rien. En effet il n’y a derrière ces grandes déclarations aucune ressource garantie : la contribution de chaque État au volet européen du plan, celle qui prévoit des prêts bilatéraux coordonnées, sera facultative.  

    Le plan européen s’en remet en partie au FMI.

    C’est dès lors   un renoncement à l’apparence même d’une « Europe qui protège ». Les objectifs de la zone euro se montrent sans fard. Cette zone n’est pas faite pour autre chose, in fine, que pour protéger la rente. Les États et les populations sont seulement les exécuteurs de cet impératif. La BCE avait d’abord jugé « très mauvaise » l’idée d’un recours au FMI, avant de se raviser. Dès lors, à quoi bon avoir fait l’Euro si c’est pour renvoyer vers le FMI le premier État en difficulté ? Ce qui est frappant dans ce contexte c’est finalement que le plan finit par se présenter davantage comme un sauvetage de l’orthodoxie libérale en tant que doctrine dogmatique européenne plutôt que le sauvetage d’un pays dont la survie financière se fait aujourd’hui au détriment de son peuple. En effet la promulgation de ce trompe l’œil a surtout servi à faire passer en même temps la proclamation d’une rigueur renforcée  avec des instruments durcis de contrôle et de sanction contre les politiques économiques des États. 

    Le virus grec, en cas de poussée de fièvre, passera directement en France. Aucune magie là dedans. Le stock total de la dette grecque s’élève à 300 milliards d’euros. C’est 120 % du PIB du pays. Moins que le niveau des États-Unis, cela va de soi, mais aussi moins que le Japon et ainsi de suite. C’est une petite dette. Quant aux créanciers, présentés sous le vocable magico mystérieux de « marchés », cela vaut la peine de leur mettre un visage. Car ils en ont un. Commençons par les localiser, ces « marchés ». La dette grecque est détenue à 85 % par les pays de la zone euro et à 50 % par six pays de la zone euro. Donc, la dette grecque c’est une affaire totalement européenne ou presque ! La France est le premier créancier de la Grèce avec 17  % de sa dette, soit 55 milliards. L’Allemagne vient ensuite avec 10 % soit 30 milliards. Puis l’Italie 6 %, la Belgique 6 %, les Pays-Bas 5%, le Luxembourg 5 %. Les établissements bancaires et des compagnies d’assurance françaises et allemandes sont les principaux créanciers de la Grèce. À eux seuls, ils détiennent 60 milliards de dette grecque dans leurs actifs ! Ce n’est pas tout. En dehors de la dette d’État négociable sur les marchés, les banques européennes sont lourdement engagées dans l’économie grecque. Les prêts souscrits auprès de banques françaises représentent 22 % du PIB grec, ceux auprès de banques suisses 18 % du PIB, ceux auprès de banques allemandes 12 % du PIB. Et voilà ! En cas de défaut de paiement de la Grèce, c’est donc avant tout la France, et dans une moindre mesure l’Allemagne, qui subirait le contrecoup financier lié à la dévaluation des actifs de la dette grecque que détiennent les banques et compagnies d’assurance. On voit aussitôt quelles sont les priorités que portent les gouvernements concernés. Elles sont d’abord doctrinales : la rente plutôt que le peuple. Donc le peuple doit soutenir la stabilité de la rente. Mieux, il l’engraisse. Ne l’oublions jamais : les « marchés » se refinancent à 1% auprès de la banque centrale européenne. Tout ce qui est au-delà de 1% est pour la poche des créanciers ! Vu sous cet angle il faut regarder les évènements grecs d’un autre œil. Et si c’était tout simplement un épisode de plus dans l’extension du champ des prédations financières. Mais une affaire qui serait en train de mal tourner.  

    Au départ, pour les milieux d’argent, comme en Amérique latine dans les cas comparables, il s’agissait « juste » de parer le coup de l’arrivée aux affaires d’un gouvernement social démocrate. Car celui-ci avait été élu cette fois-ci, sur un programme « gauchi » par rapport aux deux précédentes élections. Le temps du blairisme semble clos. Danger pour la finance ! Pas question de laisser la mode se répandre. Et puis il y avait un coup à jouer. Le coup part d’Allemagne. La droite Merkel est alliée au FDP, parti super libéral allemand. Bientôt des élections partielles en Allemagne, dans le cœur ouvrier et industriel du pays. La coalition doit tenir. Le FDP fait la pluie et le beau temps. L’Allemagne lève donc la main protectrice qu’elle avait posée sur la Grèce. Au lieu des péremptoires déclarations précédentes la crise, selon lesquelles, en gros, « la Grèce c’est l’euro », qui valait interdiction d’attaque, le ministre des finances allemand déclare que les Grecs doivent se corriger. Madame Merkel ira jusqu'à dire qu’il se pourrait qu’ils soient expulsés de la zone euro ! Feu vert pour l’assaut ! La punition consistait à obliger les Grecs à solder d’un coup leur dette. Un rappel de l’orthodoxie après la phase de sauvetage des banques et de « facilités » budgétaires. C’est la suite du débat qui a opposé Français et Allemands sur le modèle de sortie de crise. Une ponction juteuse pour les banques récompenserait la manœuvre. Mais un emballement imprévu se produit. C’est la dynamique propre des instruments financiers qui la déclenche.

    La mise sur le marché des titres d’assurance qui couvrent les emprunts « crée » une catégorie de financiers qui n’ont aucune participation aux emprunts grecs mais qui sont dès lors « intéressés » à la faillite de la Grèce puisque c’est elle qui augmente la valeur de leur titre. Plus la valeur de ces titres augmente, plus est fort le signal de risque de défaut de paiement, plus la note baisse, plus la prime de risque augmente, moins la Grèce peut payer, plus le risque augmente et ainsi de suite, la spirale est amorcée. Nous y sommes. La thérapie de choc de Papandréou, élu pour un programme de gauche et mis en demeure d’appliquer le plus féroce plan de rigueur qu’aucun libéral n’aurait osé proposer, entre en action. Ça rappelle le Venezuela juste avant Chavez, ou l’Argentine juste avant Kirchner…. Papandréou déclare : « Nous sommes en état de guerre pour sauver le pays ». En guerre contre qui monsieur le président de l’internationale socialiste ?  Contre les déficits déclare ce benêt qui parle comme François Hollande et Dominique Strauss Kahn réunis ! Nous on aurait dit que c’est contre les banques. J'y reviendrai.

    Jean-Luc Mélenchon


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  • Commentaires

    1
    sylvie25
    Mardi 25 Mai 2010 à 19:52
    La Grèce à besoin d'un vrai contrôle budgétaire et d'être aidée financièrement. Mais ce ne sera pas suffisant. N'est-il pas possible de les aider aussi militairement, domaine où ils dépensent des sommes folles pour faire face à la Turquie. Mais aussi et surtout en leur sous traitant une multitude de fabrications. Je préférerais que l'on aide la Grèce en leur envoyant du travail qui part je sais où aujourd'hui.L'Europe doit se construire et apprendre à défendre ses intérêts .
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