• Retraites : le pouvoir veut démolir les 60 ans 
au 1er janvier

    Le gouvernement a tranché les axes de sa réforme sans rien en dire aux syndicats pour ne pas faire grossir la mobilisation de jeudi. Selon les révélations de nombreux médias, vendredi, le projet serait de reculer l’âge de départ à 62 ou 63 ans et d’allonger les annuités au-delà de 42 ans après 2020.

    Le scénario est établi depuis des semaines au gouvernement. D’un côté, jouer la montre en faisant traîner en longueur la présentation de ses propres pistes de réforme, pour ne pas donner du grain à moudre à la mobilisation sociale. De l’autre, vouloir prendre tout le monde de court en privilégiant une guerre éclair pour boucler la réforme des retraites en un été, après une phase de pseudo-concertation. Dans ce contexte, les révélations de la presse sur les vrais projets du gouvernement ne pouvaient plus mal tomber pour le pouvoir, quelques jours avant la mobilisation sociale de jeudi prochain. Le ministère du Travail a beau démentir en bloc, les informations parues simultanément sur différents sites Internet de grands médias, vendredi (le Monde, l’Express, les Échos), concordent avec une étonnante précision sur le contenu de la réforme du gouvernement. Celui-ci se préparerait à démolir l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans dès le 1er janvier prochain, en reculant le seuil d’ouverture des droits à 62 ou 63 ans. Un projet qui reviendrait à revenir sur une conquête sociale de près de trente ans, décidée par la gauche arrivée au pouvoir en 1981, et qu’aucun gouvernement s’étant attaqué à la réforme des retraites jusqu’alors, ni celui d’Édouard Balladur en 1993, ni celui de Jean-Pierre Raffarin en 2003, n’avait osé remettre en cause.

    Les fonctionnaires ponctionnés

    Le gouvernement ne s’arrêterait pas en si bon chemin. La durée de cotisation pour prétendre à une retraite à taux plein serait allongée parallèlement au recul de l’âge légal de la retraite, au-delà du calendrier initial mis en place par la réforme Fillon de 2003, qui prévoit une durée de 41 ans en 2012, pour se prolonger et atteindre 41,5 ans en 2020 et 42 ans et un trimestre en 2030. Des mesures présentées comme indispensables au nom d’une évolution démographique défavorable au ratio actifs-retraités, mais qui en réalité ne suffiront absolument pas pour résoudre le problème du financement du système, selon les prévisions mêmes du gouvernement. Au-delà de ces paramètres, celui-ci s’apprêterait à faire les poches des fonctionnaires dans le but de récupérer 3 à 4 milliards d’euros de recettes manquantes à l’horizon 2020, en augmentant les cotisations vieillesse. Une solution préférée, paraît-il, à la révision à la baisse du mode de calcul des pensions, car celle-ci rapporterait moins d’argent.

    Quant à la soi-disant mise à contribution des hauts revenus au nom de la justice sociale, celle-ci ne devrait rapporter au mieux que 600 millions d’euros, soit sensiblement le montant annuel du bouclier fiscal  : en clair, les plus riches récupéreront d’une main ce qu’ils donneront de l’autre…

    Les syndicats confirment le projet

    Interrogé par l’AFP, le ministère du Travail a démenti « formellement ces informations », tout comme l’Élysée l’avait fait, au début du mois, au moment des révélations du Monde sur le projet du président de la République de porter l’âge de la retraite en 2030 à… 63 ans. « Tout sera connu au moment de la présentation du projet de réforme autour du 20 juin », s’est borné à déclarer le ministère d’Éric Woerth, tandis qu’à l’Élysée, on répète qu’« aucune décision n’a été prise ». Il n’empêche  : les leaders syndicaux ont eux aussi l’intuition, au vu des éléments en leur possession, que le gouvernement travaille bel et bien à des projets conformes à ce qu’en disent les médias. « Vu les documents écrits et la façon dont le gouvernement mène la discussion, on a vraiment le sentiment qu’il (le gouvernement) va décaler l’âge de départ vers 61 ou 62 ans », a prévenu, la veille des fuites des projets gouvernementaux dans la presse, François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, soulignant l’importance pour les salariés de « se mobiliser » dès jeudi. Même pressentiment chez son homologue de la CGT, Bernard Thibault, qui s’est dit convaincu que le gouvernement entend jouer sur « l’âge et la durée de cotisation ». Aujourd’hui, l’UMP tient une importante convention de travail sur ce thème. Sera-t-elle l’occasion d’en savoir plus  ? Mercredi dernier, Valérie Rosso-Debord, députée UMP, a déclaré que son groupe était « très en phase » avec le gouvernement, évoquant même un recul de l’âge légal « par paliers », de 63 à 65 ans…

    Sébastien Crépel

    l'Humanité


    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :