• L'ex-candidat du Front de gauche à la présidentielle est venu apporter en direct son soutien aux progressistes tunisiens. Interview.

     Dimanche, vous avez rencontré la veuve de Chokri Belaïd, qui est elle-même avocate, puis vous êtes allés vous recueillir sur sa tombe. Quelle impression en retirez-vous ?

     Jean-Luc Mélenchon. Le plus frappant, c'est que Mme Belaïd a fait montre d'une grande maîtrise de soi. Elle m'a vraiment impressionnée. J'ai beaucoup appris d'elle. Elle m'a dit que Chokri Belaïd se savait menacé. Et qu'ils s'étaient préparés tous les deux à cette épreuve. Et qu'elle continuera la lutte afin que ce crime ne reste pas impuni. « J'aurai le temps de pleurer après », m'a-t-elle dit. Je dois dire qu'on a assassiné un grand militant, un militant du rassemblement de toutes les forces de gauche et de progrès. En fait, on a assassiné l'un des nôtres. Il ne faut pas oublier qu'on a tué le tribun des ouvriers, des femmes et des pauvres.

     Ensuite vous êtes allés à la rencontre des dirigeants du Front populaire et d'autres partis. Que vous ont- ils dit ?

     Jean-Luc Mélenchon. C'était un échange chargé d'émotion. J'ai senti chez tous une grande maturité. Ils ne sont pas tombés dans le piège qui leur était tendu, celui de la violence et du chaos dans lequel certains milieux veulent entraîner tout le processus révolutionnaire. C'est cet aspect, à savoir l'attitude constructive du Front populaire, qui m'a frappé. On a bien sûr discuté de Chokri, qui était pour tous une sorte de

    repère, celui qui poussait au rassemblement de toutes les forces de progrès avec un fort contenu social. Sur ce point, ils m'ont dit qu'ils ne lâcheront rien étant donné que le social a été le fondement de la révolution tunisienne. Et c'est en partant de ce contenu que le rassemblement démocratique peut se faire pour contrer le danger qui menace le processus démocratique. Pour moi, cela fut un soulagement de constater qu'il existe une telle force en Tunisie.

    Et quel a été votre message ?

     Jean-Luc Mélenchon. J'ai tenu à souligner que la révolution tunisienne n'est pas un cas tunisien, ni arabe, mais universaliste. Si certains, en France, ont des doutes sur le fait qu'on est en partie lié à la révolution tunisienne, je leur réponds qu'ils n'ont qu'à imaginer le type de réactions qu'aurait suscité en France une prise totale du pouvoir par les islamistes. Pour moi, il s'agit d'un printemps méditerranéen qui a commencé en Tunisie et qui va continuer en Grèce, en Espagne ou au Portugal ! Pour moi, c'est le même

    processus. J'ajoute que je souhaite pour toute la Méditerranée une révolution citoyenne du même type que celle en cours en Tunisie. C'est ce que je leur ai dit.

    Hier encore, vous avez rencontré le président Moncef Marzouki ?

     Jean-Luc Mélenchon. Je le connais d'avant, c'est un homme honorable, qui a été un grand combattant pour les droits de l'homme et la démocratie en Tunisie. À Strasbourg, il a fait un discours remarquable devant le Parlement européen. J'étais honoré qu'il m'invite. Il faut aider la Tunisie.

    l'Humanité

    mardi 12 février 2013


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  • Lundi 11 février 2013, Jean-Luc Mélenchon était à Tunis. Il était l'invité de Nessma TV, la chaîne du grand Maghreb, pour un grand entretien.


    J.-L. Mélenchon à " Nessma TV" le 11/02/2013 par lepartidegauche


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  •   François COCQ, Magali ESCOT

     

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     Peut-on refonder l’école en renonçant à refonder la société ? La loi d’orientation scolaire de Vincent Peillon apporte une réponse claire : c’est impossible. C’est pourquoi elle est condamnée à tourner en rond.

    La « priorité » du gouvernement s’est fracassée sur le mur de l’austérité érigée par le gouvernement pour répondre aux exigences de la finance à coups de rigueur et de compétitivité. L’école républicaine ne peut pas être un sanctuaire et un havre de transformation sociale progressiste au milieu du tourbillon libéral ! Elle n’est pas déconnectable des objectifs que se fixe la Nation.

    La diversion organisée sur les rythmes scolaires ne pouvait ainsi qu’échouer en refusant de considérer le problème dans sa globalité. Le temps de l’enfant ne peut pas être dissocié de celui du salariat ni de celui de la famille. Quel sens y a-t-il à s’agiter sur les rythmes quand dans le même temps on donne la main au Medef pour un accord minoritaire qui précarise toujours plus les salariés et leur famille ?

    L’école est à la fois moteur et actrice de la transformation. Elle répond aux défis qui se posent pour aborder les grandes questions du XXIème siècle. Pour faire entrer notre pays dans l’avenir, le gouvernement se contente de vouloir développer le numérique. Mais rien n’est prévu pour l’indispensable transition écologique et énergétique ! Rien n’est amélioré en matière d’émancipation pour répondre aux exigences démocratiques d’une VIème République ! Rien n’est pensé pour remettre sur pied la réindustrialisation de notre pays !

    La loi d’orientation ne se fixe pas l’ambition de l’élévation du niveau de qualification alors même que là réside la force de la France. Pire, elle entérine la déconstruction de la filière professionnelle. La casse méthodique de l’ère Sarkozy est de fait tacitement validée : pas de réforme du bac professionnel en 3 ans alors qu’il est devenu inaccessible au plus grand nombre, les matières supprimées ne seront pas réintégrées, les filières détruites ne seront pas réimplantées, l’apprentissage servira toujours d’arme contre les lycées professionnels. L’adéquationnisme devient la pierre angulaire de l’enseignement professionnel dans une vision à court terme qui sert le grand patronat et répond au clientélisme des potentats locaux. Mais la loi va plus loin en décentralisant sur les Régions la carte des formations professionnelles au moment même où les collectivités territoriales deviendraient, avec l’Acte III de la décentralisation, des territoires en concurrence. L’offre de formation professionnelle serait ainsi confiée à des représentants de territoires qui se battraient à coups de dumping sur le sol de la République pour être les heureux élus des entreprises. A l’intérêt général, Peillon et Lebranchu veulent substituer un océan de luttes féodales.

    Le verbe cache malheureusement bien souvent l’approfondissement des politiques libérales. Si le grand combat était réellement la lutte contre l’échec scolaire, il faudrait rompre avec les logiques qui conduisent à l’échec et en premier lieu en finir avec l’incantation libérale de l’égalité des chances. Patatras ! Le texte la définit dès le départ comme le principal objectif à atteindre. Dans son prolongement, cette loi d’orientation valide le socle commun institué par François Fillon. En reconnaissant d’un côté qu’il y aurait des savoirs et des connaissances suffisants pour quelques uns quand d’autres auraient l’acquisition des programmes pour perspective, le socle segmente les apprentissages et trie les élèves. C’est un renoncement majeur au postulat de l’humanisme radical qui considère tous les enfants capables d’apprendre pour peu qu’on leur en donne les moyens !

    Question moyens, on repassera : l’article qui mentionnait «l’acquisition du socle commun est progressive. Les élèves qui éprouvent des difficultés dans cette acquisition reçoivent des aides et bénéficient de dispositifs de réussite éducative » a ainsi disparu. Cette fois c’est sûr, les RASED sont bel et bien enterrés…

    Partout l’incantation se substitue à l’action : Peillon veut promouvoir la scolarisation des plus petits ? Bien. Qu’il redonne alors du sens à l’école maternelle et étende l’obligation scolaire en la faisant commencer à 3 ans. En ne lui reconnaissant toujours pas le statut d’école obligatoire, la maternelle reste le parent pauvre, laissé entre les mains des volontés municipales.

    Peillon fait des moulinets de bras contre l’enseignement catholique ? Face à Don Quichotte, le privé est toujours à l’offensive. L’enseignement catholique se saisit de chaque occasion, comme sur le mariage pour tous, pour demander toujours plus de dérogations et de droits. Il voudrait que soit renforcé le caractère propre des établissements et dans le même temps téter le sein nourricier de la République. Si 10 milliards sont ponctionnés sur le budget de l’Etat pour financer le crédit d’impôt au profit des entreprises, à l’école, la même somme file chaque année dans les poches de l’enseignement privé pour privilégier l’école du choix de quelques uns contre l’école de tous. Ça suffit ! Fonds publics à école publique, voilà la seule réponse qui vaille.

    Malheureusement les lobbys sont actuellement mieux récompensés que la République. Sur le champ idéologique, il est proposé de leur céder du terrain en intégrant un enseignement « moral et civique ». Non ! L’école publique laïque ne dispense pas une morale ni un prosélytisme qui en découle. Elle ne définit pas le « Bien et le Mal ». Elle donne les outils de l’émancipation, de la compréhension et l’explication de la force de la loi. Le refus du racisme n’est pas une question « morale ». Le racisme, le sexisme…ce n’est pas juste « mal ». C’est interdit ! C’est une décision du peuple souverain inscrite dans la loi.

    Au final, cette loi d’orientation est une occasion ratée. La méthode d’élaboration aurait pourtant du permettre d’en tirer le meilleur parti. Mais la concertation s’est réduite à un trompe-l’œil avec la volonté d’en finir vite quand les syndicats et les parents d’élèves s’en mêlent. Enfumage et lâcheté ont même conduit à céder dans la loi scolaire ce qui réapparaîtra dans l’acte III de la décentralisation.

    La concertation avait pourtant permis d’imposer des reculs importants. S’est ainsi exprimé le rejet massif de déconstruire le pacte républicain qui nous unit et dont l’école est le flambeau le plus visible le plus symbolique. L’art et la culture ont finalement été réintégrés comme une éducation et il n’est plus fait référence à un partenariat avec les collectivités territoriales et les organismes extérieurs sur ce sujet. L’article 40 sur les relations école-collège ne fait quant à lui également plus référence au rôle du chef d’établissement et à une inscription dans les projets d’établissement et d’école.

    Mais les réflexes autoritaires ont vite repris le dessus. Les avis du CESE (conseil économique, social et environnemental) et du CSE (conseil supérieur de l’éducation) ont été foulés aux pieds. Les professeurs ont été opposés aux parents d’élèves. La vindicte gouvernementale a cherché à décrédibiliser les organisations syndicales. Comme Darcos, Ferry ou Allègre en leur temps, le gouvernement et ses porte-flingues ont dénoncé le « corporatisme ». Voilà tout ce qui leur reste face à tous ceux qui refusent de troquer l’ambition d’une école de l’égalité et de l’émancipation contre le rapiéçage déconstructeur d’une loi d’orientation qui, faute de rupture, s’est perdue dans les méandres de l’héritage libéral. Ce gouvernement est décidément bien seul.

    François Cocq,

    Magalie Escot

    Formation, recrutements

    La loi prévoit bien la création des ESPE (écoles supérieures du professorat et des métiers de l’éducation). Mais les pré-recrutements nécessaires pour permettre aux jeunes de toutes conditions de devenir enseignants se font eux encore attendre. Quant aux 23.000 contractuels enseignants de l’éducation nationale, ils désespèrent de voir arriver un plan de titularisation toujours pas évoqué par le ministre.

    L’enseignement catholique en chiffres

    En France, il y a 8500 établissements privés. 94% sont à caractère confessionnel, pour l’essentiel relevant de l’enseignement catholique. Ils scolarisent 17% des élèves et reçoivent 18,7% du budget de l’éducation nationale. Les collectivités locales leur versent chaque année 2 milliards d’euros dont 500 millions au titre de la loi Carle que Vincent Peillon refuse d’abroger. Depuis le 6 mai 2012, le privé a récupéré 3210 postes alors même que 30% des classes du privé ont moins de 19 élèves et 15% ont moins de 15 élèves. Pendant ce temps, le public se serre la ceinture.


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