• Dans la course au « plus-libéral-et-innovant-que-moi-tu-meurs », Fillon tente de doubler Macron au grand salon de l’électronique de Las Vegas. Résultat, c’est le jackpot pour les puissants. Fillon y a réaffirmé vouloir supprimer l’ISF ; réduire l’impôt des investisseurs dans les start-up ; créer un statut de prestataire indépendant qui aura la possibilité de contracter pour une durée de trois ans, sans possibilité pour l’Inspection du travail de requalifier ces contrats en contrat de travail.

    Alors que la prise de conscience émerge que l’ubérisation est une prédation terrible des multinationales qui s’exonèrent de leurs obligations sociales et fiscales, Fillon entend les protéger face aux travailleurs qui luttent pour leur requalification en salarié et dénoncent l’optimisation fiscale ! 

    Le modèle de société de Fillon, comme pour le VRP d’Uber qu’est Macron, c’est celui de la généralisation d’un marché du travail à la sauvette : sans règles, tous précaires et condamnés à la concurrence la plus sauvage quand les profits des plateformes, eux, sont bien protégés !

     Les plateformes qui se développent dans nombre de secteurs des services, bien au-delà du secteur du transport à la personne (Taxi/VTC) – qu’il s’agisse de la livraison, de la logistique urbaine, de l’artisanat, des métiers du bâtiment, etc. – sont d’ores et déjà en train d’opérer un grand remplacement d’artisans et de salariés en CDI par des autoentrepreneurs sans droits, paupérisés et jetés dans une concurrence sauvage.

     Depuis la création du statut d’autoentrepreneur par Fillon lui-même, nombre d’annonces se font maintenant sous ce statut, toutes qualifications confondues. Au-delà du chauffeur VTC ou du livreur à vélo et une grande partie des jobs étudiants, il y a même des annonces pour recruter des architectes en passant par un agent immobilier !

    Pour François Fillon, cette ubérisation accélérée serait également le moyen de réduire les effectifs des fonctionnaires.

     En clair, pour ces ultra-libéraux, il faut réduire le rôle de l’Etat au minimum et briser toutes les réglementations. On nous fait croire que le consommateur y sera gagnant, quelle aberration ! Il suffit déjà de prendre conscience des problèmes de sécurité routière provoqués par des chauffeurs condamnés à travailler plus de 70h par semaine pour espérer gagner un SMIC : les accidents de la route ne cessent d’augmenter ! Il suffit d’aller à un aéroport et de constater le nombre de « racoleurs » qui tentent de réorienter les voyageurs vers les VTC au détriment des taxis pour se rendre compte de la grande régression de ce low-cost sauvage généralisé.

     Pour le Parti de Gauche, l’ubérisation est bien la nouvelle offensive capitaliste tout azimut. Quelle surenchère va donc proposer Macron, lui qui fut par ailleurs le rédacteur du rapport Attali, commandé sous le mandat Sarkozy-Fillon et qui visait précisément cette « libération de la croissance » ?

    Nul besoin par ailleurs de chercher d’éventuelles solutions préconisées par les candidats de la primaire du PS : sous le mandat de Hollande, rien n’a été fait pour contrecarrer le développement de cette ubérisation accélérée de notre société. Pire, ce sont bien des députés socialistes, Christophe Caresche et Catherine Troallic, qui ont tenté par amendements à la loi El Khomri de protéger les plateformes et d’exclure définitivement du Code du travail les travailleurs faussement dits « indépendants ». Ils partagent le même objectif : non seulement casser le Code du travail mais également s’en passer, condamnant les travailleurs à n’avoir ni horaires légaux ou maximaux, ni salaire minimum, ni droit contractuel du travail, ni cotisations sociales, ni médecine du travail, ni représentation syndicale. Du côté de Hamon ou de Montebourg, s’ils se prononcent pour l’abrogation de la Loi travail, pourquoi n’ont-ils pas assumé de voter la censure qui aurait permis d’empêcher la promulgation de cette loi inique ? N’oublions pas également que Montebourg s’est prononcé pour un Code du travail particulier pour les petites et moyennes entreprises, s’inscrivant ainsi dans la stratégie de morcellement des droits des salariés. Sur ce sujet comme sur bien d’autres, la candidature issue des primaires du PS est bien inutile, le choix de clarification politique se fera entre entre les candidatures Macron et Mélenchon.

    Les citoyen-ne-s ne s’y tromperont pas. D’ailleurs, pendant que Fillon fait ses déclarations à Las Vegas, le candidat de la France Insoumise Jean-Luc Mélenchon, lui, accueillait près de 2000 insoumis au meeting « déboulé » de Tourcoing pour défendre les travailleuses et les travailleurs contre la souffrance au travail. Valls, pendant ce temps-là, n’en réunissant que 200…

    L’ubérisation-paupérisation n’est pas une fatalité : L’Etat peut et doit se donner les moyens de contraindre les plateformes de l’économie numérique à respecter les obligations sociales et fiscales et les réglementations des métiers et secteurs. Avec celles et ceux qui luttent contre l’ubérisation, taxis, chauffeurs VTC, livreurs à vélo, chefs d’entreprise de la logistique urbaine, inspecteurs du travail, sociologues… la campagne de Jean-Luc Mélenchon et de la France insoumise entend bien approfondir son travail programmatique pour contrer le suicide social collectif que les VRP d’Uber, les Fillon comme les Macron veulent nous imposer. Ne les laissons pas jouer nos vies et nos droits arrachés durant plus d’un siècle de luttes au casino de l’ubérisation !


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    Dans ce 14e épisode de la revue de la semaine, Jean-Luc Mélenchon évoque quatre sujets : Donald Trump et les relations américaines avec la Chine et la Russie, François Fillon qui dit qu’il n’y aurait pas internet en France sans lui, le CAC 40 qui se gave et enfin France inter qui a failli supprimer la chaîne youtube de Jean-Luc Mélenchon…


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  • Diplômé de Sciences Po Paris et d'une licence d'histoire, Jérôme Sainte-Marie a travaillé au Service d'Information du Gouvernement et à l'Institut Louis Harris. Il a ensuite dirigé BVA Opinion de 1998 à 2008 puis CSA Opinion de 2010 à 2013. Il a fondé en parallèle l'institut iSAMA en 2008. Il dirige actuellement Pollingvox, une société d'études et de conseil spécialisée dans les enjeux d'opinion, fondée en 2013. Il a publié Le nouvel ordre démocratique (éd. du Moment, 2015).


    FIGAROVOX. - Dans les sondages pour le premier tour de la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon ferme la marche du quatuor de tête et se place systématiquement devant le candidat socialiste. Que traduit cette dynamique du candidat de la «France insoumise»?

    Jérôme SAINTE-MARIE. - Le niveau de la candidature Mélenchon dans les sondages se situe en effet au-delà des 11,1% de 2012, qui était déjà un bon résultat et le signe d'une cristallisation possible à la gauche du PS. Encore devrait-il alors lutter contre le courant qui poussait au «vote utile» anti-sarkozyste, courant qui favorisait Hollande. Il n'a plus cette difficulté et profite en outre d'un bilan social du quinquennat très décevant pour les électeurs de gauche. À cette aune, les chiffres d'intentions de vote actuels ne paraissent pas si élevés, signe sans doute que les catégories populaires ne sont pas encore entrées dans la campagne électorale, phénomène qui attendra février, lorsque l'offre se sera stabilisée. Jean-Luc Mélenchon a un autre adversaire, diffus, inquantifiable mais bien présent, la démoralisation de nombreux Français, qui doutent du pouvoir transformateur de la politique. Combattre ce sentiment est un enjeu essentiel de sa démarche.

    Jean-Luc Mélenchon, critique envers les médias, mène une campagne à succès sur les réseaux sociaux, notamment sur YouTube. Peut-il devenir, comme il le souhaite, le Bernie Sanders français, le candidat anti-establishment de la gauche?

    Aussi bien Sanders que Mélenchon ont renversé le reproche d'archaïsme qui leur était fait par cet investissement dans les nouveaux médias.

    On pense en effet au programme The Young Turks diffusé sur internet, très présent dans la campagne de Bernie Sanders lors des primaires démocrates. L'utilisation que fait Jean-Luc Mélenchon de YouTube comporte un premier point commun, celui de contourner les médias mainstream, pour maîtriser pleinement son expression politique. Deux gains complémentaires sont ainsi réalisés, d'une part la fidélisation d'un large public, mobilisable ensuite dans la campagne, d'autre part une transformation de son image personnelle. Aussi bien Bernie Sanders que Jean-Luc Mélenchon ont renversé le reproche d'archaïsme qui leur était fait par cet investissement dans les nouveaux médias. Cet avantage technique modifie à son tour la représentation courante de leur programme. Notons qu'il est assez ironique de constater qu'au même moment Emmanuel Macron, incarnation médiatique de l'innovation politique, semble découvrir le porte-à-porte et le questionnaire en face-à-face.

    Jean-Luc Mélenchon mène une campagne au «déboulé» en organisant des réunions publiques de dernière minute en fonction des événements qui rythment l'actualité. Que cela vous inspire-t-il?

    L'expression de «déboulé» vient, je crois, de Martinique, où elle désigne couramment une manifestation. Ce terme inusité en métropole a un côté agit-prop qui ne peut que séduire sa base radicale. De plus, ces meetings inopinés lui redonnent de la visibilité dans un contexte dominé par la primaire socialiste, en situant sa parole sur des enjeux concrets. Dans le même temps, et ces «déboulés» et l'utilisation des réseaux sociaux renforcent l'intérêt des médias classiques pour sa campagne.

    Le PS est pris en étau entre la candidature d'Emmanuel Macron et celle de Jean-Luc Mélenchon. Est-ce le signe d'une recomposition à venir de la gauche française avec un pôle antilibéral incarné par l'ancien chef du Front de gauche?

    Des forces telluriques sont à l'œuvre, qui déchirent la gauche.

    Des forces telluriques sont à l'œuvre, qui déchirent la gauche après avoir séparé le Front national de la droite. La campagne de 2017 rend visibles les contradictions de la gauche sur le libéralisme, l'Europe et la finalité même du combat politique. Cependant, après l'échec du NPA, il est encore plus évident que le succès électoral suppose que l'on propose une identité politique qui ne soit pas que négative. Emmanuel Macron incarne la réconciliation de tous les libéralismes, illustrant politiquement la thèse philosophique de Jean-Claude Michéa sur l'unité fondamentale de cette pensée. Pour Jean-Luc Mélenchon, la doctrine demeure en formation, avec des emprunts originaux autour de l'idée de peuple.

    En souhaitant publiquement que Marine Le Pen obtienne des financements des banques et en tenant des propos davantage eurosceptiques voire critiques de l'immigration, Jean-Luc Mélenchon entend toucher les classes populaires, notamment les abstentionnistes. Sur ce créneau, face au FN, a-t-il ses chances?

    Il y a une différence majeure entre les deux sur la question migratoire, cependant. On en mesure l'écho dans les enquêtes d'opinion, ce qui explique la très faible superposition des potentiels électoraux de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon. Pour toucher les abstentionnistes intermittents, soit près du tiers des inscrits, qui votent à la présidentielle à peu près exclusivement, Jean-Luc Mélenchon a besoin de s'affranchir du signifiant «gauche». Or celui-ci le sert pour rallier de nombreux socialistes déçus, ce qui est un problème. L'issue de la primaire socialiste jouera un grand rôle pour sa campagne, et donc sur les conditions de sa concurrence avec Marine Le Pen.

    En l'état du débat et de l'opinion publics, est-ce présomptueux d'imaginer un second tour avec Jean-Luc Mélenchon?

    Dans l'état d'émiettement de l'offre politique, d'affaiblissement des habitudes électorales et, surtout, de crise de la gauche de gouvernement, c'est une hypothèse recevable.

    LE FIGARO.fr FIGAROVOX


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