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Par Daniel M le 16 Septembre 2019 à 08:54
Jean Luc Mélenchon
Magie des moyens d’expression de notre temps. Mon compte Twitter atteint deux millions de personnes quand je l’utilise. Deux-cent quatre-vingt signes maximum. Certains trouvent ça encore trop long. J’ai écrit : « Message pour Brigitte Macron. Madame, les brésiliens que j’ai rencontrés sont outrés par la grossièreté de leurs dirigeants à votre égard. Moi de même. Ceux qui vous insultent sont ceux qui emprisonnent Lula innocent. Sentez-vous forte de notre dégoût pour de telles brutes ». Pourquoi TF1 enlève-t-il « moi de même » et « Ceux qui vous insultent sont ceux qui emprisonnent Lula innocent » ? À vrai dire peu m’importe. Mais je reste encore pantois quand je vois ce genre de procédés.
Mon message me vaut aussi quelques récriminations classiques : « on s’en fout de madame Macron, c’est une bourgeoise ». « Elle n’a jamais rien dit quand les gilets jaunes se faisaient fracasser ». Résumons : nos ennemis n’auraient aucun droit et le respect de leur dignité humaine ne nous concernerait pas. Mais alors, en quoi sommes nous différents de ceux que nous combattons parce qu’ils nous traitent de cette façon ? Pourquoi la frontière serait sans importance quand elle est franchie dans l’abrutissement d’une remarque sur le physique d’une bourgeoise et serait insupportable s’agissant d’une prolétaire ? La classe efface le genre ou bien elle se superpose ?
Nos principes si nous en limitons la portée à ceux qui nous conviennent ne sont plus rien d’autre qu’un arbitraire parmi d’autres. Et nous ne pourrions plus les opposer aux mauvais traitements qui nous sont infligés. S’agissant d’une femme, la discrimination de genre n’est pas soluble dans la classe sociale. Les barbares du gouvernement brésilien s’en prennent à madame Macron comme ils le feraient avec n’importe quelle femme. Nous le voyons quand ils considèrent les critères d’apparence physique comme un argument opposable à une femme parce qu’elle est une femme. Nous le voyons encore quand le reproche est adressé à son compagnon dont elle est considérée comme un simple ornement plus ou moins performant dans ce registre.
La déchéance de tels individus est globale. Je n’aime pas qu’on ait retiré ma référence à Lula parce que celle-ci éclaire le sens politique de mon propos. Ce sont les mêmes qui insultent une femme au nom de l’idée qu’ils se font de la valeur d’une femme et qui ensuite emprisonnent un innocent ou font qu’une autre femme puisse être assassinée comme l’a été Marielle Franco à Rio de Janeiro par deux de leurs policiers. Et pour finir. Chacun voit son devoir comme il l’entend. Dans ma vision du mien, j’aime bien que les ennemis de mon pays sachent qu’ils ne vont pas bénéficier de la complaisance des opposants. Et si je n’attends aucune reconnaissance ni contrepartie pour cette sorte de bonne manière c’est parce que mes principes valent pour les personnes qu’ils protègent mais davantage encore pour les contenus qu’ils proclament pour toute la société.
Dans cet état d’esprit, j’ai de même protesté contre la perquisition au local de Médiapart alors même que ce journal a salué celle dont j’avais été la victime. Et quand bien même a-t-il également décrété qu’étant un homme public je n’avais aucun droit à la protection de ma vie privée. L’un des journalistes ajoutant même que je m’offrais « une seconde jeunesse » ce qui est du niveau de Bolsonaro pour elle comme pour moi.
Dans quelque jours le système judiciaire macronien compte me détruire. Il ne peut y parvenir aussi longtemps que je ne renonce à aucun de mes principes. Et je ne peux en faire meilleure démonstration que face à mes adversaires les plus mal disposés à mon égard.
Il est possible que vous ayez vu mon direct Facebook à la sortie de la prison où est enfermé Lula à Curitiba au Brésil dans l’État de Paraná (le Brésil est un État fédéral). Vous retrouvez ici le lien qui vous y conduit. Mais je ne crois pas que je me répèterai de trop.
Lula est en prison depuis 516 jours. Il purge une peine de 12 ans et 11 mois. Pour un crime qu’il n’a pas commis. Son incarcération se fait au siège de la police fédérale de l’État et non dans un établissement pénitencier. Sa cellule a été aménagée à partir du local où dormaient auparavant à tour de rôle les gardes de cet édifice. Au pied de l’immeuble, ses amis ont loué un terrain où est établi un campement permanent de militants. Chaque matin à sept heures ils se retrouvent pour crier « Bonjour Lula ». Chaque jour à quatre heures, ils lui crient encore tous ensemble « Bon après-midi Lula », chaque soir à 19h 30 « Bonne nuit Lula ». Le reste du temps, ils font des cours de formation et des activités les plus diverses. Un aimable folklore existe aussi. Certains ne se coupent pas la barbe jusqu’à la libération de Lula, d’autres cousent des motifs sur des drapeaux ou pancartes « Lula Libre ». Et bien d’autres choses. Mais au total, la dimension humaine de l’emprisonnement du dirigeant politique est totalement partie prenante de la lutte qui se mène pour sa libération. (...)
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