« Gouverner, c'est prévoir. » nous dit Machiavel. Tout dans la situation actuelle politique, économique, sociale, culturelle etc. semble infirmer ce propos. Ou alors, doit-on au moins admettre que ce dernier est invalidé en période de crise. Ce qui laisse supposer que la crise est le terreau de l'improvisation. Cela pourrait être rassurant si les acteurs étaient virtuoses, mais on en doute. On en doute parce que la crise ne surgit pas de nulle part, d'un néant métaphysique. Qui se donne les moyens de pénétrer ses voies sera surpris d'entendre des voix détriquant (pardon pour ce néologisme improvisé) depuis fort longtemps les mécanismes qui ont permis d'aboutir à cette énième crise d'un système où la prévoyance n'a d'autre horizon  que le renflouement permanent du paquebot  "Finance". Alors, gouverner est-ce vraiment prévoir ? À notre sens, pas tout à fait. Sans nier la nécessité d'avancer tout en se guidant sur des prévisions, il apparaît plutôt que gouverner c'est créer, oh ! certes pas ex nihilo, mais bien à partir de ce qui existe déjà et dans une perspective qui, elle , ne varie jamais, à savoir l'établissement du bien commun. Créer oui, mais quoi ? Eh bien, les conditions de la prévision et ceci à chaque étape, à chaque moment. Gouverner, c'est créer les conditions de la prévision. Cela ne signifie pas que tout le futur est prévisible, cela signifie que la connaissance préalable des mécanismes, qui opèrent dans telle ou telle situation, et la confrontation dans un authentique débat démocratique de toutes les analyses qui y affèrent, jointes à cette exigence de réalisation du bien commun à la fois immanente à l'action politique et projetée dans un possible rendu nécessaire, autorisent des anticipations dépouillées de tous leurs oripeaux idéologiques d'où sont exclus les sordides recours aux passions humaines, telles la peur ou la haine de l'autre. Si la raison est lumière, c'est que sa portée embrasse au-delà du présent le passé dont nous sommes construits et le futur qui se reconnaîtra.

Daniel Mérino