• Intervention de Jacques Généreux lors du forum « L’argent au service des besoins humains »

     Dun mot, qu’est-ce que c’est un gouvernement de Front de Gauche qui arrive au pouvoir ? Sur la question de l’argent ? Eh bien, un gouvernement de gauche, c’est un gouvernement qui abolit le pouvoir de l’argent et qui rétablit le pouvoir des citoyens.

    Ça veut dire quoi, abolir le pouvoir de l’argent ? Je ne vais pas refaire l’inventaire des propositions, des mesures qu’il faudrait prendre, mais poser la question, justement, parce qu’on n’est pas là pour s’amuser, pour rigoler, pour faire semblant, on est là dans une dynamique pour changer le rapport de forces à gauche pour peser dans un gouvernement de gauche qui se ferait sur les lignes que nous défendons, donc, abolir le pouvoir de l’argent, ce sera quoi ? Abolir le pouvoir de l’argent dans l’entreprise, cesser, mettre un terme définitif à cette situation qui fait que la santé, la vie et le salaire sont maintenant sous la coupe des intérêts de gestionnaires de capitaux qui décident de tout. Et pas seulement dans le secteur privé puisque maintenant ça atteint les anciennes entreprises du secteur public, ça atteint même le pôle emploi, c’est-à-dire cette obsession de l’efficacité, de la compétitivité, de la performance, de la rentabilité. C’est ce qui amène les gens à la mort. Voilà, le capitalisme tue, aujourd’hui, exactement comme il tuait au dix-neuvième siècle. Donc, abolir le pouvoir de l’argent c’est faire que c’en soit fini du pouvoir des actionnaires, fini du pouvoir de ceux qui ont l’argent. Voilà. Et ça, ça se fait très simplement, il n’y a pas besoin de couper des têtes, en tout cas pas dans un premier temps, tant que les choses peuvent se faire de manière démocratique. Il suffit de changer le droit des entreprises. Voilà. Le pouvoir il est là, en donnant, ça a été dit, des droits d’intervention, des droits de veto, des droits de participation aux décisions stratégiques et pas seulement aux salariés, d’ailleurs, aussi aux collectivités territoriales, parce qu’il ne faudrait pas oublier que les entreprises ne se développent pas dans l’air du temps, il faut du travail, certes il faut aussi un peu d’argent et d’investissement, mais il faut des infrastructures, il faut l’éducation des gens, il faut les loger, il faut de la santé, bref il faut des territoires, voilà, des collectivités publiques qui apportent tout ça. Donc, abolir le pouvoir de l’argent par l’entreprise, ça on sait faire. Abolir le pouvoir de l’argent aussi, vous allez dire c’est bizarre ce qu’il dit, dans la finance. La finance, vous savez, c’est bien, il y a une bonne finance. On a besoin d’une finance pour financer l’économie. Eh bien, oui, on a besoin de banques, on a même besoin d’investisseurs, d’épargnants, on a besoin d’une finance qui serve à financer l’économie, l’investissement, la création d’emplois, les activités socialement utiles et même la reconversion écologique nécessaire de notre pays. Le problème, c’est qu’aujourd’hui, dans les transactions financières mondiales, il y a moins de deux pour cent seulement qui sert à financer des opérations réelles, l’économie réelle. Le reste, ça finance la finance. Donc, définanciariser la finance, ôter le pouvoir de l’argent dans la finance, c’est n’autoriser que les produits financiers qui ont une utilité économique et sociale. Donc, interdire tous les produits financiers purement spéculatifs et toxiques et qui ne servent à rien. Voilà. C’est fermer les bourses quand elles ne servent à rien. Les bourses, aujourd’hui, n’apportent pas un centime aux économies, elles ne servent plus à financer l’économie. Elles ne servent qu’à pomper, à sucer les ressources des entreprises pour aller alimenter les dividendes ; depuis le milieu des années quatre-vingt dix les bourses n’apportent pas un euro net de financement à l’économie. Quand on fait le solde de ce qui est apporté comme financement via la bourse et le solde de ce qui est reversé sous forme de dividendes etc., eh bien, la bourse est un instrument à assécher les ressources financières des entreprises. Donc, abolir aussi ce pouvoir, ça a été dit, de l’argent dans la finance. En reprenant simplement le contrôle. Abolir le pouvoir de l’argent dans le financement des biens publics, de la finance publique. Il n’y a aucune espèce de raison que les dettes publiques dans les pays européens, à commencer par le nôtre, aient besoin d’aller emprunter des capitaux sur des marchés mondiaux. Nous n’en avons pas besoin. Nous avons suffisamment de ressources internes d’épargne, de capacités de crédit pour financer tous nos biens publics et de ressources fiscales si on en reprend les moyens. Donc là aussi, il faudra sortir de cette situation, c’est-à-dire simplement fermer le marché des capitaux européens et, si nécessaire, simplement français, si ça ne peut pas se faire au niveau européen, vis à vis du reste du marché des capitaux pour qu’on se finance entre nous avec nos propres moyens. Le Japon a deux cents pour cent de dette publique par rapport à son PIB, ça ne lui pose aucune espèce de problème avec les spéculateurs parce que la dette publique japonaise est détenue par les Japonais. Voilà. Donc, il faudra renationaliser le financement de nos dettes publiques et donner à nos banques centrales les moyens de concourir au financement des biens publics. Pareil pour la marchandisation et ce qu’on a dit sur les services publics. Comprenez bien que c’est la même question, c’est le même problème. C’est le pouvoir de l’argent, c’est la compétition, la mise en compétition mondiale des territoires et des États en matière de services publics. Elle n’a qu’un seul but : c’est d’ouvrir de nouveaux marchés pour la rentabilité du capital. Et c’est écrit noir sur blanc dans des tas de textes, y compris de l’Union européenne. On veut une éducation qui soit utile à l’économie, moi je croyais que l’éducation c’était pour éduquer les gens, pour apprendre à des gens à grandir, eh bien non ! Ça doit être utile à l’économie. Et le pire, d’ailleurs c’est que cette façon de concevoir l’éducation à terme, à long terme, en plus, devient tout à fait inutile à l’économie, en réalité. On veut un hôpital rentable, on veut des services d’hôpitaux rentables, et ainsi de suite, bref ceci a la même source, et donc si vous ne vous attaquez pas au pouvoir du capital et au pouvoir de l’argent, vous n’avancez sur aucun de ces terrains. Et comment on s’attaque principalement au pouvoir de l’argent ou du capital ? Pas par des grandes phrases mais en commençant par abolir la libre circulation du capital. L’instrument par lequel le capital a pris le pouvoir depuis trente ans dans la mondialisation c’est que les gouvernements lui ont donné la liberté de faire ce qu’il veut, où il veut, quand il veut. Et donc, je termine là-dessus, parce que c’est une question clé et c’est ça qui fait le clivage au sein de la gauche, entre autres et qui fait qu’il y a une utilité à ce qu’il y ait un Front de gauche. C’est-à-dire qu’il y ait une autre force qui est celle que nous constituons à gauche pour défendre cette rupture radicale avec la financiarisation de la société. C’est que cette rupture nécessaire avec le pouvoir donné à l’argent n’est pas possible aujourd’hui si on devait rester dans le cadre strict d’application des traités de l’OMC, des traités de l’Union européenne etc. C’est-à-dire que si un gouvernement de gauche, entre guillemets, arrivait au pouvoir en disant : nous allons faire tout ce que nous pouvons pour les travailleurs avec un beau programme comme ça mais pour arriver à l’arrivée pour faire comme Papandréou, quand il est arrivé au pouvoir, qu’il faudrait respecter le traité de l’OMC, parce qu’il faudrait respecter le traité de Lisbonne, parce qu’il faudrait respecter la directive service etc., mais, mes chers amis et camarades, si vous respectez cette directive, tous ces traités, vous ne pouvez faire quasiment rien de ce qu’il y a dans le programme du Front de gauche. Alors il ne faudra pas se raconter d’histoires ni entre nous, ni devant les Français. Moi j’ai déjà fait ça au PS, en 2004, j’ai déjà donné. Faire campagne pour l’Europe sociale soi-disant pour que trois semaines après le premier secrétaire du Parti socialiste parte en campagne en disant oui au traité constitutionnel européen. Moi je ne recommencerai pas, camarades. Donc, je vous raconte une petite histoire qui tient en deux minutes. En deux mille douze, c’est le Front de gauche qui grâce à la vertu du pouvoir des électeurs est en tête d’une manière ou d’une autre, et nous avons comme premier ministre Pierre Laurent, par exemple, ou Marie-George Buffet, ça me va bien, Maryse au logement, par exemple, ce ne serait pas mal, notre camarade Rachid à l’enseignement supérieur et puis on va nommer Denis Durand gouverneur de la Banque de France, notre ami Nicolas Bénies, je ne sais pas ce que tu prendras, le budget ou l’éducation, peu importe, ; imaginez que Jacques Généreux soit en plus ministre des finances, mon Dieu ! Qu’est-ce que nous ferions ? Qu’est-ce que nous ferions pour être à l’abri du mur de l’argent, justement ? Eh bien, tout simplement nous dirions que nous reprenons le contrôle des mouvements de capitaux. Nous n’allons pas nous laisser faire comme Papandréou. Nous reprenons le contrôle des mouvements  de capitaux, c’est-à-dire le jour où nous arrivons par décret la bourse est fermée momentanément pour éviter tout transfert. Les mouvements de capitaux sont strictement contrôlés, tous les mouvements de capitaux financiers. Nous engageons une réforme de la Banque de France, votée en urgence pour redonner à la Banque de France le pouvoir de concourir directement au financement des biens publics, de refinancer les biens publics, nous annulons partiellement une partie de la dette publique qui est parfaitement ignoble et inique qui repose en partie, en partie seulement, mais en partie sur une dette excessive qui a été rémunérer des investisseurs et des financiers. Nous pouvons annuler une partie de cette dette. Nous pouvons monétiser par la création monétaire une partie de cette dette. Nous nous mettons à l’abri de cette menace qui pèse sur tous les autres pays européens. Nous nous mettons à l’abri du mur de l’argent. Vous parliez des services ? Services publics mis en concurrence, mis en compétition ? Eh bien, nous décidons que les services publics en France ne sont plus ouverts à la concurrence et redeviennent des services publics entièrement publics car ce sont des secteurs qui n’ont aucune vocation ni à être marchands ni à être des secteurs concurrentiels. Et donc, oui nous violons une directive des traités européens. Alors là, tout d’un coup, vous allez me dire, parce que quelqu’un a évoqué la question, a évoqué même Jacques Sapir etc., et des gens qui disent qu’il faut créer le rapport de forces de cette manière, oui mais sauf que Jacques Sapir, que je connais très bien, et beaucoup de gens disent qu’il faut sortir de l’Union européenne, sortir de l’euro. Ça n’est pas ce que nous disons, justement pas, non, non, non, non. Nous n’allons pas sortir. Nous sommes européens et pro-européens parce qu’il y a des biens publics européens, il y a des choses que nous devons construire et continuer de construire au nom des peuples européens, à l’échelle européenne. Ça n’est pas parce que cette Europe a effectivement été dévoyée par le projet néolibéral et par la domination des néolibéraux que justement il faut la leur abandonner et dire puisque pour nous les conditions actuelles ça n’est plus supportable alors on s’en va, on va se replier, on va s’occuper simplement de mettre en place nos petites politiques pour nous tout seuls. Non ! Nous avons aussi notre responsabilité, notre vocation, il ne s’agit pas pour nous simplement de restaurer la souveraineté du peuple français et des citoyens français, nous ne sommes pas indifférents à la souveraineté de l’ensemble des peuples européens, et nous voulons leur apporter la démonstration qu’un gouvernement de gauche déterminé qui est dans l’Union européenne peut en arrivant au pouvoir mettre en place l’ensemble de son programme progressiste, y compris l’ensemble des mesures qui sont en contradiction avec les traités, avec les directives car il se passera quoi si nous le faisons ? Rien. Il n’y a aucune disposition dans les traités ni dans ce qui concerne la zone euro qui prévoit l’exclusion d’un membre au prétexte qu’il n’aurait pas respecté telle ou telle norme. Et en plus ça peut se faire dans le cadre d’un protocole d’accord au nom du compromis du Luxembourg. Donc, nous mettrions en œuvre notre programme, c’est ça qu’il faut bien comprendre, qu’il faut marteler car beaucoup de gens qui croient à nos propositions, qui croient à nos idées sont persuadés qu’en réalité tout ça est bien joli, mais qu’on ne peut pas, qu’on ne peut pas face aux spéculateurs, face au poids de l’Union européenne. Mais si, camarades, on peut ! Il suffit de le décider et il suffit de le faire, voilà. Les Tunisiens, ils ne croyaient pas pendant trente ans qu’on pouvait chasser un dictateur en descendant dans la rue, voilà.  Et puis, l’événement a fait qu’ils ont vu que tout d’un coup c’était possible ! Et vous avez vu ce qui se passe ? Quand un seul peuple s’aperçoit que ce qu’on avait cru impossible pendant dix ans, trente ans, quarante ans s’avère possible tout d’un coup, mais c’est un bouleversement dans la représentation des possibles qui fait quoi ? qui fait que tout d’un coup tous les autres autour se disent, mais puisque c’est possible, d’ailleurs pourquoi ne l’a-t-on pas fait avant ? Mais bon, puisque c’est possible alors nous aussi on va faire comme eux. Et c’est ça qui est en train de se passer dans le monde arabe et c’est fantastique. Voilà. Ce sont ces peuples qui prennent, enfin, leur sort en mains, mais pourquoi ? parce que la démonstration a été faite par un seul d’entre eux que c’était possible. Eh bien, le Front de gauche au pouvoir c’est le gouvernement qui montrerait à partir d’un seul pays, eh bien oui, que l’idéal éternel des communistes, des socialistes, des républicains c’est possible dans un seul pays, il suffit pour ça d’un peuple et d’un gouvernement qui met en place son programme et à ce moment-là je vous garantis que tous les autres autour, les travailleurs italiens, espagnols, portugais, allemands etc. eh bien, ils diront : ces Français, ils ne sont pas cons, ils profitent de tous les avantages de l’Union européenne, de l’euro mais ils font comme ils veulent sur les services publics, ils repratiquent une politique du crédit pour eux, ils reprennent le contrôle de leurs mouvements de capitaux, ils ne sont plus à la botte des marchés financiers, c’est eux qui ont raison et à ce moment-là ce sont les politiques néolibérales menées par les autres gouvernements qui deviendront insupportables et c’est comme ça que se changera le rapport de forces, mes chers amis et mes chers camarades.

    Texte adapté par Daniel M

     


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