• Manchettes

    « Manchette (1) : Titre très large et en gros caractères, à la première page d’un journal » Petit Robert,  Dictionnaire de la langue française.

     Depuis dimanche, jour du 14e congrès du Fn à Tours, Marine Le Pen fait la manchette de tous les principaux journaux. Sans jeu de mots oiseux (quoique) elle semble dire : « Je suis partout ». À la TV également, puisqu’elle était encore sur France 2 ce soir. Petits carrés de moquette après petits carrés de moquette, un tapis rouge se met en place devant elle. Les maladroites attaques portées contre elle ne font que la mettre en valeur et tout le barnum médiatique bâtit, sans le vouloir j'espère ( ?), un piédestal sur lequel la dame n’aura plus qu’à venir se hisser une fois qu’il sera assez haut à son goût. « La dynamique est irrépressible » a-t-elle dit en parlant d'elle, et personne, parmi les principaux observateurs auxquels on donne la parole, ne semble le contester. Au contraire. On la présente comme « un rouleau compresseur ». Il y aurait une « méthode Marine Le Pen » en application sur ces terres électorales du nord qui expliquerait « son succès »… et j’en passe.

     

    Eh bien pas d’accord, mais pas d’accord du tout.

     Il faut rétablir quelques vérités. Qui dira enfin que dans la Région où Mme Le Pen s’est installée politiquement depuis quelques années, sous sa conduite, les listes électorales du FN sont en recul ? Je donne quelques chiffres. Ils sont déterminants à connaître. Aux élections européennes de 2009, la liste conduite par Marine Le Pen elle-même a obtenu 253 009 voix (10,18 %) soit une perte de 78 333 voix par rapport aux européennes précédentes où la liste Fn conduite par Carl Lang avait obtenu 331 342 voix (12,86 %). En 2010, rebelote, la liste aux élections régionales conduite par Marine Le Pen obtient 224 870 voix (18,31 %) alors qu’en 2004, la liste toujours conduite par Carl Lang avait rassemblé 290 908 voix (17,94 %). Là encore, même conduite par Marine Le Pen en personne, déjà très médiatisée, la liste Fn perd 66 038 voix d’une élection à l’autre.

     

    En écrivant cela je ne cherche pas à minimiser la menace d’extrême droite. En période de crise elle est évidente. Ce courant politique est, par définition, un mouvement en mutation permanente se nourrissant de la tension sociale, davantage qu’un Parti dans les formes classiques. Le Fn a vocation à se modeler et à s’adapter à la période et aux besoins des puissants qui veulent maintenir l’injustice de notre monde. Ne souriez pas. Plus nous allons nous enfoncer dans la crise, plus certaines personnes verront l’intérêt d’aider ceux qui peuvent maintenir l’ordre, y compris par la force.

     

    Mais surtout, quel intérêt y a-t-il à répéter en boucle du soir au matin et du matin au soir qu’avec Marine Le Pen, le Fn peut prétendre conquérir le pouvoir, qu’elle n’est plus sur la même ligne que son père, etc… ? Ce discours d’affolement est le préambule du grand roman du « vote utile dès le premier tour » que l’on va nous lire dans les mois qui viennent. On connaît. À l'UMP et à Solférino, des plumes fébriles l'écrivent déjà. Pas sûr que cela soit un best-seller.

     

    Car même concernant la vie interne du Fn, la dynamique n'a absolument rien "d'irrépressible". Qu'on en juge. Alors que le Fn revendique sur son site 75 000 adhérents et sympathisants, seulement 17 000 personnes ont participé au vote et 22 403 adhérents ont été jugés à jour de cotisations. C'est-à-dire que près de 25 % des adhérents n’ont pas estimé utile de se déplacer pour venir voter pour Marine Le Pen alors que la presse a fait grande publicité de ce vote, et qu’il était étalé sur plusieurs jours. Sur ces 22 403 adhérents, Mme Le Pen obtient 11 546 voix, soit à peine plus de 50 %. Elle rassemble 5 000 voix de plus que son rival Bruno Gollnish, certes le double, mais les proches de Mme Le Pen expliquent que l’émission « À vous de juger » sur France 2, le 9 décembre, a fait adhérer en 24 heures plus de 5 000 personnes au Fn « pro-marine ». Sans ce soutien médiatique, le résultat aurait-il été le même ? Pas sûr.

     

    Et puis sur le programme… j’y reviendrai plus longuement. Avec ma camarade Pascale le Néouannic nous travaillons à un argumentaire. Mais je dis à nouveau ce que j’ai déjà publié ici. Mme Le Pen a fait beaucoup d’effets de manche lors du Congrès du Fn. Elle prétend vouloir « un État protecteur et efficace au service de la communauté nationale ». Elle répète 51 fois le mot « État » dans son discours. Elle y va donc au canon… c’est assez grossier. Mais, en 2007, dans le programme présidentiel de Jean-Marie Le Pen dont elle était la Directrice stratégique de campagne et la coordonnatrice du programme, il était alors dénoncé « un État omnipotent (qui) est devenu une surcharge pour les comptes de la Nation et un danger pour les libertés économiques ». Le reste du programme déclinait cette orientation : suppression de 20 000 postes dans l’Éducation nationale, non renouvellement des fonctionnaires qui partent à la retraite, réduction des dépenses publiques, etc… On peut encore lire ce programme sur le site du Fn. C’était il y a seulement 3 ans. C’est le seul programme encore en vigueur, jamais Marine Le Pen n’a pris la moindre distance avec lui (et pour cause, elle l’a rédigé).

     

    Comme je l'ai déjà écrit :  Marine Le Pen, c’est la fausse opposition à la politique de Nicolas Sarkozy. Il suffit de lire son programme, tout y est : « travailler plus pour gagner plus », « travailler plus longtemps pour avoir droit à une retraite », etc… Enfin, concernant la laïcité, je consacrerai un billet prochain à ce sujet. Mais, pour faire court, je dirais que Mme Le Pen confond Godefroy de Bouillon et Aristide Briand, et le siège d’Antioche avec la loi de 1905. J’y reviendrai.

    Alexis Corbière


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