• Mini-remaniement comme « réponse » au message des urnes

    En procédant à d’infimes changements dans l’équipe gouvernementale, Nicolas Sarkozy tente de donner le change pour montrer qu’il a entendu la sanction. Mais l’entrée de François Baroin dans l’exécutif ne devrait pas modifier le programme de réformes libérales de la droite.

    La réaction au vote des Français de dimanche n’aura pas tardé. Lundi soir, après le bouclage de notre édition papier, l’Élysée a annoncé un mini-remaniement gouvernemental, censé faire la démonstration que la droite a écouté le message des urnes. Les nominations et annonces de changements de portefeuilles ministériels distillées en fin de journée par les services du chef de l’État devraient être suivies, mercredi, d’une déclaration de Nicolas Sarkozy, à la suite de la réunion du conseil des ministres.

    Seuls changements notables dans l’équipe gouvernementale, le retour de l’aile la plus chiraquienne de la droite dans l’exécutif, avec la nomination de François Baroin au ministère du Budget, et le départ de Martin Hirsch, le Haut commissaire aux solidarités actives, qui était une prise de « l’ouverture à gauche » de Nicolas Sarkozy. Son départ du gouvernement pour la présidence de l’Agence du service civique est un signe donné à l’électorat et aux militants de droite, déboussolés par les nominations de personnalités issues de la gauche aux plus hautes responsabilités exécutives. Son éviction est le signe d’un aveu d’échec inédit de la part de Nicolas Sarkozy d’occuper tout l’espace politique, du centre-gauche jusqu’à l’extrême droite. Quant au député et maire UMP de Troyes, François Baroin, il remplace Eric Woerth, qui s’en va rejoindre le ministère du Travail, lui-même succédant à Xavier Darcos, qui quitte le gouvernement. Ce dernier fait partie des ministres sévèrement battus lors de l’élection régionale en Aquitaine, où il défendait les couleurs de la majorité présidentielle, avec seulement 28 % des voix, dimanche soir, contre 56 % à son adversaire de gauche, le socialiste Alain Rousset, reconduit à la présidence de région.

    La nomination de François Baroin se voudrait le gage d’une droite plus « humaniste »

    Xavier Darcos, qui devrait être « prochainement appelé à d’autres responsabilités », selon le communiqué de l’Élysée, quitte un ministère stratégique dans le calendrier des réformes de Nicolas Sarkozy, puisque chargé de conduire le chantier de la réforme des retraites, qui fait l’objet d’un bras de fer avec les syndicats. La nomination d’Eric Woerth à cette tâche n’est rien moins que rassurante, l’ex-ministre du Budget étant l’un des tenants d’une ligne libérale pure et dure, sous l’autorité de Christine Lagarde à Bercy. Partisan d’une orthodoxie budgétaire à base de réduction drastique des finances publiques pour faire rentrer à marche forcée la France dans les clous du pacte de stabilité budgétaire et monétaire, il est aussi l’un des plus chauds défenseurs de la révision générale des politiques publiques et de la mise au pas des collectivités, qui se paient par la casse des services publics. Au ministère de la rue de Grenelle, il devrait défendre la même ligne de rationnement des dépenses appliquée aux retraites, au nom de la nécessité de parvenir à « l’équilibre » du système, c’est-à-dire la priorité accordée à l’allongement de la durée de cotisation plutôt qu’à de nouvelles pistes de financement défendues par les syndicats.

    François Baroin était membre du gouvernement Villepin sous la présidence de Jacques Chirac dont il est resté proche. Sa nomination se voudrait le gage d’une droite plus « humaniste » que celle de Nicolas Sarkozy, et donc un signe donné à l’électorat de droite qui s’est abstenu aux élections régionales. Dans la réalité, François Baroin risque de n’avoir que peu de marges de manœuvre sous la direction de Christine Lagarde à l’Économie qui, elle, reste en poste. La nomination du maire de Troyes est en outre plus symbolique que réellement représentative d’une droite plus modérée, comme le montrent ses états de service place Beauvau, au ministère de l’Intérieur, en remplacement de Nicolas Sarkozy, quelques semaines avant l’élection présidentielle de 2007. À peine en poste, François Baroin y avait annoncé la reprise « des expulsions », suspendues l’année précédente, de parents sans papiers d’enfants scolarisés. Pas grand-chose à attendre de ce côté-là pour les électeurs de gauche qui ont sanctionné le pouvoir, dimanche dernier…

    Sébastien Crépel

    l'Humanité 23/03/10




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