• Montpellier Jean-Luc Mélenchon : "Je peux être au second tour"

    Entretien (dans son intégralité) avec le candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, à Montpellier ce soir.
    Pour Jean-Luc Mélenchon : "La question du partage des richesses est centrale."
    Pour Jean-Luc Mélenchon : "La question du partage des richesses est centrale." (AFP)

    Vous citez souvent Victor-Hugo et cette phrase : "qui vote règne !" Mais les Français n'ont-ils pas actuellement la sensation que ce pouvoir leur a été confisqué ?

    Je pense que nous sommes face à un réel danger de "grève froide" des Français, qui ont l'impression que le système politique est un monde artificiel sans rapport avec les réalités qu'ils vivent chaque jour. Et ils n'ont pas tellement tort.

    Un fossé s'est creusé entre la représentation politique et le monde réel. C'est un drame pour un pays comme le nôtre où le peuple se définit comme un sujet politique. Chez nous, le peuple c'est le souverain, la communauté des citoyens, et le seul souverain c'est le peuple.

    Lorsque je porte ce message, les Français réalisent qu'il est encore possible de retrouver des valeurs qui les concernent. Tout ce qui est humain appartient et dépend de l'humain, alors que depuis des années, la finance conquiert des pouvoirs exorbitants.

    Quant à Victor Hugo, il n'est pas inutile de rappeler que l'on fête les 150 ans de cette œuvre admirable que sont "Les Misérables" et je me réfère en effet beaucoup à cet immense écrivain et à son œuvre sociale.

    Malgré ce "parler vrai" que vous revendiquez, pensez-vous qu'il soit possible d'échapper à la crainte de l'éparpillement et donc à la tentation du "vote utile ?

    Il est normal que les puissants veuillent préserver leur système. Les sociaux-démocrates dans leur ensemble et la droite sont d'accord pour appliquer le traité de Lisbonne et ses principes économiques libéraux qui concentrent toutes les impasses du capitalisme, notamment le libre échange et la concurrence libre et non faussée au détriment des droits sociaux...

    Cet accord qui verrouille toute évolution démocratique de l'Europe constitue un problème essentiel. Par ailleurs, il y a une pression médiatique très forte. Le CSA a relevé que 70 % du temps de parole est réservé à deux partis, PS et UMP, les autres se partageant les miettes.

    C'est un grand confort de situation pour les deux partis dominants, mais ils font l'erreur de méconnaître les médias parallèles, la presse régionale, notamment, mais aussi internet. Par ces intermédiaires, notre parole passe et chemine...

    Nos idées suscitent le débat qu'un peuple adulte est en droit d'attendre d'un grand rendez-vous électoral. Pour de plus en plus de gens, la notion de "vote utile" apparaît comme une négation de la démocratie.

    Vous pensez vraiment pouvoir être présent au second tour ? Et sinon, que se passera-t-il ?

    Je crois aux chances du Front de gauche. Nous avançons petit à petit, en construisant une adhésion solide, une pensée stable. Les gens savent que nous parlons de choses concrètes, la VIe République, la planification écologique, le smic à 1700 euros...

    Notre force politique progresse. Elle est stabilisée aujourd'hui autour de 10 % mais la situation actuelle est très volatile, il suffirait de peu de chose pour que tout bascule.

    Les choses s'accélèrent, le tableau politique peut se transformer de fond en comble et la donne générale être bouleversée en profondeur dans les semaines qui viennent. Moi j'ai bon espoir de pouvoir me qualifier pour le second tour.

    Un accord avec le PS est-il envisageable ?

    Si je suis au second tour, donc face à un candidat de droite, je suis prêt à dialoguer avec le PS pour obtenir le plus large rassemblement. En revanche, on sait déjà que si le PS arrive en tête, François Hollande n'a pas l'intention de discuter. Il a déjà dit qu'il faudrait accepter de se rallier à son programme.

    Il est peu probable qu'il puisse convaincre largement dans un tel contexte. Certes la tradition veut que le plus grand nombre des électeurs de gauche au premier tour se reportent sur le mieux placé, mais je mets en garde François Hollande contre les idées toutes faites.

    L'époque des patrimoines électoraux est révolue, il faut savoir écouter et convaincre... Environ 20 % de l'électorat n'est pas fixé et ne tient pas compte des étiquettes, il peut basculer à tout moment en fonction de la situation de l'instant, du contenu des propositions... Le second tour ne sera pas une formalité.

    Vous faites de la question des salaires un élément central de votre campagne ?

    C'est la question essentielle. Il y a la logique des partisans de l'austérité qui veulent diminuer la dette publique sans toucher au capital financier... Cette recette est appliquée à la Grèce et on en voit les effets. L'activité se contracte et on crée du chômage. Les rentrées fiscales sont insuffisantes et le déficit se creuse. Alors on recommence un nouveau plan d’austérité.

    Cette politique conduit à un désastre assuré. Il faut faire de la relance, avec un horizon de développement, qui passe notamment par la planification écologique... Il faut partager les richesses. Je propose d'imposer à 100 % la dernière tranche de l'impôt, au-dessus de 360 000 euros par an. Ce n'est pas utopique, c'est ce que Roosevelt a fait pour mettre fin à la crise de 1929.

    C'est votre réponse à la crise ?

    On applique aujourd'hui un remède de cheval qui va tuer la bête. Il faut faire le contraire ! La solution passe par la relance. La BCE et les banques centrales nationales doivent pouvoir prêter aux Etats à taux d'intérêt nuls ou très bas pour qu'ils puissent avancer par la dépense sociale. Il faut arrêter avec le modèle d’accumulation illimitée des richesses par quelques-uns qui est la racine de la crise.

    Il faut en finir avec la dépendance aux marchés financiers. Enfin, la planification écologique doit aussi permettre de redéfinir les modes de production en fonction de l'intérêt général et orienter les investissements publics pour un développement humain durable.

    Vous prônez aussi le passage à la la VIe République...

    Oui. Cela passe par la convocation d'une assemblée constituante distincte de la nouvelle Assemblée nationale, élue au suffrage universel. Les parlementaires en exercice ne pourront pas se représenter.

    On évitera ainsi les marchandages et la professionnalisation de la politique. Il faut mettre fin à la personnalisation du pouvoir, qui ne doit plus être concentré entre les mains d'un seul et introduire partout de la proportionnelle. Et afin d'éviter les miasmes de la IVe République, il faudra qu'il soit impossible de renverser un gouvernement si l'on a pas la capacité de proposer une alternance crédible.

    Marine Le Pen dit qu'elle pourrait ne pas avoir les 500 signatures... Mais Philippe Poutou du NPA également. Faut-il réformer ce système ?

    J'espère que Philippe Poutou y parviendra. Quant aux jérémiades de Mme Le Pen, je les trouve suspectes. C'est pour le FN une façon de faire parler de lui en faisant diversion de son absence de programme. Je dirai que c'est à ceux qui ont inventé de système des 500 signatures de s'en débrouiller. Il est absurde que certains élus aient le pouvoir de décider de qui a le droit de se présenter ou pas. On pourrait choisir une méthode plus démocratique, une pétition réunissant 1 % du corps électoral, par exemple.

    Vous avez dit à propos de François Hollande qu' "un homme capable de recycler Robert Navarro recyclera tout le monde" ... Vous avez suivi la question du PS dans l'Hérault ?

    Lorsque j'étais au Parti socialiste, nous avions régulièrement à souffrir des méthodes déplorables de la Fédération de l'Hérault, dirigée par Mr Navarrro.

    Je respecte les militants socialistes de ce département, mais la direction en place a piétiné le sentiment démocratique. A l'époque nous avions plusieurs fois dénoncé ces méthodes, ce système truqué, avec mon camarade René Revol. Mais la direction nationale n'en a tenu aucun compte car elle était bénéficiaire des votes bidonnées...

    L'histoire de cette région est vraiment particulière depuis Georges Frêche. Il a été soutenu largement par la direction du PS, puis soudain aux régionales, celle-ci a décidé de l'abandonner, de l’exclure et de soutenir Hélène Mandroux. La situation est apparue totalement incompréhensible aux électeurs. Robert Navarro a d'abord été exclu du PS, mais il n'a pas manqué d'apporter son soutien à François Hollande...

    Le système socialiste dans l'Hérault est totalement vermoulu, la gauche doit se ressaisir et je pense que le Front de Gauche sera la réponse face à un PS qui est désormais épuisé en Languedoc-Roussillon.

    Que pensez vous du double échec de Montpellier pour intégrer les pôles universitaires d'excellence (Idex) ?

    Le principe même des pôles d'excellence est une aberration. Le gouvernement, à travers la loi LRU d'abord, les pôles d'excellence ensuite, organise un véritable marché du savoir pour complaire aux diktats du fameux classement de Shangaî qui ne laisse entrer dans son classement que des établissements où la langue anglaise est dominante.

    De ce fait, il ne tient aucun compte de la qualité universitaire française, alors que nous sommes le pays qui accueille le plus grand nombre d'étudiants étrangers. Ce n'est pas par hasard si les élites des autres pays viennent se former ici.

    L'idée des pôles d'excellence est grotesque et ne tient aucun compte de la qualité réelle des établissements. Si nous sommes la 5e puissance économique du monde, c'est parce que nous avons des universités et des centres de recherche de très haut niveau.

    Je trouve lamentable que le gouvernement de Nicolas Sarkozy se mette à la remorque d'un système qui nie l'évidence. Qui peut dire en effet que Montpellier ne fait pas preuve d’excellence, par son histoire, par la qualité de ses enseignements et des chercheurs issus de ses universités ?

    par PHILIPPE MOURET dans le Midi Libre


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