• Pour sauver l’Europe, la BCE doit monétiser

    « Cette crise est une crise monétaire, provoquée par une banque centrale immature qui a tué une reprise fragile en augmentant son taux directeur cette année, a laissé s’effondrer l’offre de monnaie à une vitesse vertigineuse dans le sud de l’Europe, et provoqué ainsi une récession complètement inutile. » Evans-Pritchard pointe le dégonflement rapide de la masse monétaire en Italie (graphique) et s’inquiète du risque de déflation, qui serait pourtant une raison suffisante — selon son mandat — pour que la BCE s’engage dans une politique de monétisation massive. Si elle ne le fait cependant pas, c’est uniquement parce que l’Allemagne ne veut à aucun prix favoriser une inflation qui grignoterait son avantage comparatif. « Tout le monde doit être crucifié pour maintenir l’inflation endogène allemande sous les 2% », conclut-il.

     

     

    Par Ambrose Evans-Pritchard, The Telegraph, 1er décembre 2011 (extrait)

    Ce qui suit fera enrager de nombreux lecteurs - en particulier les justiciers « autrichiens » d’Internet - mais je dois l’écrire.

    Selon la vision quasi universelle qui a émergé, la crise en Europe ne peut être résolue que par les gouvernements et la politique budgétaire, la différence entre les points de vue portant sur le dosage approprié de la douloureuse cure de rigueur.

    Je ne partage pas cet avis. Cette crise est une crise monétaire, provoquée par une banque centrale immature qui a tué une reprise fragile en augmentant son taux directeur cette année, a laissé s’effondrer l’offre de monnaie à une vitesse vertigineuse dans le sud de l’Europe, et provoqué ainsi une récession complètement inutile — et profonde à en juger par la plongée des commandes industrielles en novembre.

    Inutile de préciser que l’austérité budgétaire drastique rend les choses encore bien pires. On ne peut pas pousser les deux tiers de la zone euro vers une contraction synchronisée de la masse monétaire et des dépenses publiques sans que cela ait des conséquences.

    La structure du rendement des obligations italiennes indique que les marchés prévoient désormais une véritable déflation. Pour un pays dont le montant de la dette publique atteint 120% du PIB, cela équivaut à une condamnation à mort.

    Le graphique ci-dessus, en provenance de la Banque d’Italie, décrit l’évolution des masses monétaires.

    L’économie de la zone euro court le danger imminent de sombrer dans une phase de déflation, mettant à terre en même temps les obligations souveraines et les prêteurs en difficulté. Il faut garder à l’esprit que le réseau bancaire de l’Europe — en y incluant les pays Scandinave, le Royaume-Uni et la Suisse — pèse 31 mille milliards d’euros. Autant dire un gros machin.

    Cette crise peut être jugulée facilement par la politique monétaire, en mettant en œuvre les méthodes d’intervention éprouvées de Fisher-Hawtrey-Friedman, afin d’augmenter la quantité de monnaie en circulation, ce qui permettrait idéalement de maintenir le taux de croissance du PIB nominal.

    Cela ne résoudrait pas le « désalignement monétaire » de 30% existant entre le nord et le sud de la zone euro, bien sûr, mais cela « dissoudrait » — au sens littéral — la crise de solvabilité de l’Italie et l’Espagne. Ces pays ne seraient pas aujourd’hui insolvables si la BCE ne les avait pas enfoncés dans la dépression en laissant imploser leur offre de monnaie.

    Bien sûr, je sais que de nombreux banquiers centraux disent ou pensent que la politique monétaire ne peut pas produire de tels miracles. Ils ont tort. C’est évidemment faisable. Une génération entière de décideurs politiques s’est égarée dans des culs-de-sacs tels que la croyance quasi religieuse allemande dans des « contractions budgétaires créatrices de croissance ». (En passant, j’ai appris en Irlande la semaine dernière que l’expérience des années 1980 utilisée comme cas d’école par ce credo est basée sur des données erronées. Elle ne valide absolument pas cette théorie).

    Ces gens ont oublié quelques leçons élémentaires de l’histoire économique. Comme l’écrit Adam Posen, de la Banque d’Angleterre, le défaitisme politique a pris le dessus.

    Je ne sais pas si Mario Draghi, le gouverneur de la BCE, croit vraiment au crédo que ses maîtres le contraignent à réciter. Cela n’a guère d’importance. Mais son insistance à affirmer que cette crise doit être résolue par les seuls gouvernements — par « un nouveau pacte fiscal » comme il l’a déclaré aujourd’hui — équivaut à un déni de responsabilité.

    L’article 123 du traité de Lisbonne, rend effectivement illégal l’achat direct d’obligations d’un gouvernement. Cet article est absurde. C’est un défaut de conception fondamental de l’union monétaire.

    Mais la BCE a déjà enfreint cette règle de la pire façon possible, en achetant des obligations des États en difficulté, mais en le faisant de façon incompétente, à hauteur de 8 milliards d’euros par semaine. Ce qui est suffisant pour effrayer les derniers détenteurs d’obligations, en les reléguant au rang de créanciers de second rang (venant après la BCE), mais est insuffisant pour résoudre le problème. Cette politique est stupide.

    La BCE devrait mettre en œuvre un assouplissement quantitatif, ce qui est parfaitement légal en vertu des règles des traités de l’Union Européenne et du mandat de la banque. Selon la doctrine de la BCE des deux piliers, la masse monétaire M3 ne devrait-elle pas augmenter de 4.5% l’an ? Eh bien, ce n’est pas le cas. Elle s’est contractée en octobre, par rapport à septembre.

    La crise peut sans doute être stoppée immédiatement par la BCE. La banque centrale peut ré-inflater le radeau du Club Med pour lui permettre d’échapper aux récifs. Elle choisit de ne pas agir pour des raisons politiques, car cela signifierait une inflation plus élevée en Allemagne. Voilà le sale petit secret. Tout le monde doit être crucifié pour maintenir l’inflation endogène allemande sous les 2%.

    Ambrose Evans-Prichard


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