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Touche pas à ma nationalité !
Par Raquel Garrido
Secrétaire Nationale du Parti de GaucheQuand je suis née, je n’étais pas française. Je n’y suis pour rien si mes parents ont décidé de venir vivre en France lorsque j’avais 14 ans. C’était en septembre 1988. Je l’avoue, j’étais fâchée de cette décision. Partir, ce n’est jamais agréable. Pourtant, je me suis adaptée. Mieux, j’y ai pris goût. En classe, dès les premiers jours, j’étais étonnée des discussions avec mes camarades. Les parents des uns avaient voté Barre ou Chirac, les autres Mitterrand. Ils me demandaient : « Et toi, tes parents ils ont voté quoi ? ». Nous n’étions pas encore ici, mais assurément nous aurions voté Mitterrand. Le soir venu, je racontais ces discussions à mes parents et on se disait que la France, c’était épatant. L’école était de bonne qualité, les enfants cultivés, ils savaient exprimer une opinion.
En 1990, je me suis impliquée dans le mouvement lycéen contre Jospin (et Mitterrand !). J’étais de toutes les manifestations, et j’ai même participé à une délégation pour rencontrer le maire. Bien sûr, j’étais déléguée de classe. Arrivée à la fac, en 1993, j’ai combattu, avec les milliers d’étudiants de Nanterre, le projet Balladur de suppression de l’allocation logement (ALS) et nous avons gagné ! Je n’ai jamais, depuis, arrêté de m’impliquer dans la vie citoyenne. J’ai toujours été élue au sein des instances universitaires ; j’ai milité pour tel candidat à la présidentielle, telle candidate à la législative. Sur les marchés, je croisais des électeurs du Front National et nous parlions. Au bout d’un moment, je leur posais la question : « Et moi, Monsieur, pensez-vous que je devrais avoir le droit de voter ? ». Interloqués, ils répondaient toujours que oui. Evidemment que la fille qui distribue les tracts devrait avoir le droit de voter ! Et pourtant je n’avais pas le droit de voter. Ce n’était pas faute d’avoir fait les démarches nécessaires.Depuis l’âge de 19 ans je demandais ma naturalisation, sans succès. Mon dossier n’était même pas traité car il manquait toujours quelque chose, le certificat de scolarité du deuxième trimestre de la classe de troisième, le relevé de compte du mois de mars de l’année 1992... vous voyez le genre. Finalement, j’ai épousé un Français, et hop, l’affaire fut ainsi réglée, au grand soulagement de mes camarades puisque je pouvais désormais être candidate aux élections. Municipales, régionales, européennes... j’ai tout fait ! Dans le fond, depuis le début, je n’ai jamais douté de ma condition de Française. Cette république qui ne se fonde ni sur une ethnie ni sur une religion, je l’ai fait mienne si facilement. Le bien commun des Français est l’intérêt général. Et où se situe-t-il ? Là où on palabre pour le fabriquer, c’est-à-dire dans les assemblées de toutes sortes. Et moi, j’y étais, justement, dans les assemblées ! Je parlais, j’argumentais, je participais à la fabrication de l’intérêt commun. J’étais donc française, puisque mon implication civique faisait de moi un membre de la communauté.
Et… patatras. Voilà que le président de la République envisage de me caser dans un sous-groupe parmi les Français. Sûre de moi et de ma nationalité, dans un premier temps je n’ai pas bronché, je suis plus solide que des propos démagogiques sans lendemain. Mais en fait, j’ai été touchée. Je suis française, certes, mais suis-je VRAIMENT française ? Et mes filles ? Sont-elles VRAIMENT françaises ? Mon histoire me conduit à me poser la question. L'idée que l'on puisse discriminer mes enfants m'a rendue malade. Et puis j’ai dit à des amis : « Vous ne pouvez pas comprendre ». Et là, le mal était fait. Il y avait donc un « nous » et un « vous ». Le poison de la division. Je me suis sentie agressée au plus profond de mon âme. J’ai eu mal. Tout ça pour ça ! C’est si injuste. L’émotion m’a submergée et j’en ai pleuré. Merci Nicolas Sarkozy.
Je suis en colère contre cet homme qui fait encore bien plus de mal à la France que ce que l’on peut voir en allant faire ses courses et en recevant sa fiche de paye. Mais je ne me laisserai pas détourner de mon idéal français. De même que, sur les marchés, je me sentais plus française que les personnes racistes avec lesquelles je parlais pourtant, je me sens plus française que le Président de la France.
Touche pas à ma nationalité ! Je ne me laisserai pas faire. Ce président n’est pas plus fort que mon identité républicaine, celle que j’ai en partage avec tous les Français.
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